Sunday, May 06, 2007

avis !

bonjour à tous !
j'ai rajouté quelques-uns des cours de 2e semestre du groupe 1 de L2. Tous les cours n'y sont pas malheureusement car je n'ai aps eu l'autorisation de tous les professeurs pour les mettre sur le blog. J'espère quand même que ça vous aidera.
J'en profite pour remercier les enseignants qui m'ont donné l'autorisation de mettre mes notes de leurs cours en ligne, ainsi que ceux qui ne s'y sont pas opposés (bien que je ne leur aie pas donné le choix, ce dont je m'excuse). Je me dois également de vous rappeler que ce blog n'est qu'un complément des cours magistraux, je n'encourage personne à sécher (mais bon pour cette année de toute façon les cours sont terminés).
Donc voilà ! Sur ce, bon courage à tous pour les révisions et surtout pour les épreuves !

droit administratif L2 2e semestre _ cours de M. Renan Le Mestre

/
Université de Nantes
Faculté de Droit et des Sciences politiques
1
Année universitaire 2006-2007

Droit administratif général (2e semestre)
2e année de Licence en Droit
Renan Le Mestre
Titre 1- Les moyens de l'action administrative : actes administratifs unilatéraux ou contrats administratifs
Chapitre 1- Les actes administratifs unilatéraux
Section 1- Les catégories juridiques d'actes administratifs unilatéraux
§ 1- Les actes administratifs unilatéraux non décisoires
A) Les circulaires
1) Contenu
2) Régime juridique
B) Les directives d'orientation
1) Définition
2) Régime juridique
C) Autres catégories d'actes administratifs unilatéraux non décisoires
§ II- Les décisions administratives
A) Forme
B) Portée
C) Les décisions insusceptibles de recours
1)Les mesures d'ordre intérieur 2) Les mesures préparatoires
Section II- Les conditions de régularité des décisions administratives
§ 1- La compétence de l'auteur de l'acte
A) Le parallélisme des compétences
B) La désinvestiture, l'absence ou l'empêchement de l'autorité compétente
1)L'expédition des affaires courantes par une autorité désinvestie
2) La suppléance et l'intérim d'une autorité absente ou empêchée
C) Les délégations de compétence
1)Conditions de régularité
2) Variété des délégations de compétence : délégations de pouvoir et délégations de signature
§ II- Le respect de la procédure d'élaboration (la procédure administrative non
contentieuse)
A) Examen particulier des circonstances
B) Parallélisme des procédures
C)Modalités de consultation et portée des avis D) Respect du principe du contradictoire
1) Droits de la défense en cas de mesure présentant le caractère d'une sanction
2) Mesures prises en considération de la personne
3) Décisions individuelles devant faire l'objet d'une motivation obligatoire
§ III - Le respect des exigences de présentation formelle
A) Obligation de faire figurer expressément dans certaines décisions une motivation expresse
B) Autres exigences
Section III- L'entrée en vigueur, l'exécution et la disparition des décisions administratives
§ 1- L'entrée en vigueur des décisions administratives
A) Règles communes à toutes les décisions administratives
1)Distinction de l'existence et de l'entrée en vigueur
2) Interdiction d'une entrée en vigueur rétroactive
B)Règles propres à chaque catégorie de décision administrative
1) L'entrée en vigueur des règlements administratifs
1
1
2
2) L'entrée en vigueur des décisions non réglementaires
§ II- L'exécution des décisions administratives
A) La présomption de légalité
1) L'exécution provIsionnelle
2) La suspension en référé des effets d'une décision
B) Le devoir d'obéissance par les administrés aux décisions administratives et ses sanctions
1) Exercice de poursuites pénales
2)Prononcé de sanctions administratives
3) Recours à l'exécution forcée
§ III- La disparition des décisions administratives A) La sortie de vigueur non rétroactive
1)La caducité 2) L'abrogation
B) La sortie de vigueur rétroactive : le retrait
1) Le retrait d'une décision administrative non créatrice de droit
2) Le retrait d'une décision administrative créatrice de droits
Chapitre II- Les contrats administratifs Section 1- les Critères d'identification
§I- Les contrats administratifs par détermination de la loi
§II- Les contrats administratifs par application des critères jurisprudentiels
A) Les contrats entre deux personnes publiques
B) Les contrats entre une personne publique et une personne privée
1) Les contrats liés à un service public
a) Les contrats ayant pour objet de confier à un tiers la gestion d'un service public
b) Les contrats faisant participer le partenaire de l'Administration à l'exécution même d'une mission de service public
c) Le recours au procédé contractuel, modalité d'exécution même d'une mission de service public
2)Les contrats contenant des clauses exorbitantes du droit commun
3) Les contrats soumis à un régime exorbitant
C) Les contrats entre deux personnes privées
1) Les contrats passés, au nom de l'État, par une personne privée et ayant trait à des travaux publics sur la voirie publique
2) Les contrats passés, au nom et pour le compte d'une personne publique, par une personne privée
Section II- Les règles de conclusion
§I- Existence, expression et qualité du consentement de l'Administration
A) Absence du consentement
B)Expression du consentement C) Vice du consentement
D)La sanction de l'absence ou du vice du consentement : la nullité du contrat administratif et l'illégalité des décisions administratives détachables de sa conclusion
§II- Procédure de passation du contrat administratif par l'Administration
A) L'absence d'exigences procédurales générales
B) Les exigences procédurales propres à certaines catégories de contrats
1) Les marchés publics
2) Les contrats de partenariat
3) Les délégations de service public Section III- Les modalités d'exécution
§ 1- Les prérogatives de l'Administration: l'édiction de mesures d'exécution du contrat
A) Principales manifestations
1) Le pouvoir de direction et de contrôle
2) Le pouvoir de sanction
3)Le pouvoir de modification unilatérale des conditions d'exécution du contrat
4) Le pouvoir de résiliation unilatérale
B) Examen de la légalité des mesures d'exécution du contrat
-
1) Irrecevabilité de principe du destinataire de la mesure d'exécution à en contester la régularité devant le juge du contrat
a)Un principe reposant sur l'exception de recours parallèle
b) Les exceptions
2) Recevabilité d'un tiers au contrat à contester la régularité d'une mesure d'exécution devant le juge de l'excès de pouvoir
§ II- Les droits et obligations du cocontractant de l'Administration
A) Les droits
1) Le droit au paiement prix convenu
2)La théorie du fait du prince 3) La théorie de l'imprévision
B) Les obligations
Titre 11- Les contrôles de l'action de l'Administration
Chapitre 1- Le contrôle non juridictionnel Section 1- Les contrôles exercés par le Parlement
Section II- Les contrôles exercés par l'Administration elle-même §I- Les contrôles spontanés
A)Contrôle par des corps de contrôle et service d'inspection
B) Contrôle par des autorités administratives
§II- Les contrôles sollicités: les recours administratifs préalables
Chapitre 11- Le contrôle juridictionnel
Section 1- Les différents types de recours juridictionnel
§I- Le contentieux de l'excès de pouvoir
A) Le recours en excès de pouvoir
B)Le recours en appréciation de validité C) Recours en déclaration d'inexistence
§II- Le contentieux de la pleine juridiction (plein contentieux) §III- Le contentieux de la répression
Section II- Les vices susceptibles d'affecter la légalité d'un acte administratif
§I- Vices susceptibles affectant la légalité externe d'un acte administratif
A) L'incompétence de l'auteur de l'acte
B)Le vice substantiel de procédure C) Le vice substantiel de forme
§II- Vices susceptibles affectant la légalité interne d'un acte administratif
A)Illégalité tenant au contenu de l'acte administratif: la violation directe de la loi
B) Illégalité tenant aux motifs de l'acte administratif
l) Erreur de droit
2) Inexactitude matérielle des faits
3) Erreur de qualification juridique des faits
C) Illégalité tenant au but de l'acte: le détournement de pouvoir Section III- L'étendue du contrôle juridictionnel
§I- Pouvoir discrétionnaire et compétence liée
§ II- Contrôle normal ou contrôle restreint de légalité Section IV- L'exécution de la chose jugée
§I- La prévention de l'inexécution de la chose jugée: les injonctions et les astreintes a priori prononcées par le juge administratif
§II- Conséquences sur le terrain de la légalité et de la responsabilité extracontractuelle de la méconnaissance par l'Administration de la chose jugée
§III- Les mécanismes d'incitation de l'Administration à respecter la chose jugée
A) Les injonctions du Médiateur de la République
B) Les injonctions et les astreintes a posteriori
C) La contrainte au paiement
Titre 111- La responsabilité extracontractuelle en cas de dommage causé par l'action de l'Administration
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Chapitre 1- Responsabilité de l'Administration du fait du comportement de ses agents
et responsabilité propre des agents
Section 1- La distinction de la faute de service et de la faute personnelle de l'agent public Section II- Caractérisation de la faute de service commise par l'agent
Section III- Caractérisation et typologie des fautes personnelles susceptibles d'être commises par un agent public
§ 1- Caractérisation : la faute personnelle, faute détachable de l'exécution même des fonctions confiées à l'agent
§ II - Typologie
A) Faute commise lors de l'exécution de ses fonctions par l'agent public, mais s'en détachant compte tenu de sa gravité (détachabilité intellectuelle)
B) Faute commise en dehors de l'exécution de ses fonctions par l'agent public, mais non dépourvue de tout lien avec elles (détachabilité matérielle)
C) Faute totalement dépourvue de tout lien avec l'exécution de ses fonctions par l'agent public (détachabilité complète)
Section IV-La prise en charge par l'Administration de la réparation d'un dommage causé à un administré par la faute personnelle de ses agents
§ 1- Les solutions législatives: la substitution de la responsabilité de l'Administration à celle de ses agents en cas de dispositions législatives transférant à la juridiction judiciaire la réparation de certains dommages
§ II- Les solutions jurisprudentielles: cumul de fautes ou cumul de responsabilités
A) Dommage causé à un administré par le concours d'une faute de service et de la faute personnelle d'un agent (cumul de fautes; droit d'option de la victime)
B) Dommage causé à un administré par la seule faute personnelle d'un agent (cumul de responsabilités)
1) Faute commise lors de l'exécution de ses fonctions par l'agent public, mais s'en détachant compte tenu de sa gravité (détachabilité intellectuelle)
2) Faute commise en dehors de l'exécution de ses fonctions par l'agent public, mais non dépourvue de tout lien avec elles (détachabilité matérielle)
Section V- Les droits et les obligations de l'Administration à l'égard de ses agents publics en cas de dommages causés à un administré
§ 1- Les droits
A) Émission d'un état exécutoire à l'encontre de l'agent public auteur d'une faute personnelle ayant causé un dommage direct à l'Administration
B) Exercice d'une action récursoire à l'encontre de l'agent public auteur d'une faute personnelle dont l'Administration a dû assurer en tout ou partie la responsabilité (dommage par ricochet)
1) Faute personnelle constituant la cause exclusive du dommage causé à l'Administration
2)Faute personnelle ayant conjugué ses effets avec une faute de service
3) Précision: faute personnelle ayant pour auteur plusieurs agents
§ II- Les obligations
A) Remboursement total du montant de la réparation pécuniaire que l'agent public a été condamné par une juridiction judiciaire à verser à un administré victime d'une faute de service
B) Remboursement partiel du montant de la réparation pécuniaire que l'agent public a été condamné par une juridiction judiciaire à verser à un administré victime d'une faute de service ayant combiné ses effets avec sa propre faute personnelle
Chapitre 11- Les conditions générales d'engagement de la responsabilité administrative extracontractuelle
Section 1- Les caractères du dommage § 1- La certitude
§ II- Le caractère matériel comme moral
§ III - Le caractère immédiat ou par ricochet
§ IV-Le caractère réparable (les dommages insusceptibles de réparation)
Section II- Le lien de causalité entre le fait de l'Administration et le dommage causé à l'administré
§ 1- La causalité adéquate
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§ II- Les causes exonératoires
A) Faute de la victime
B) Fait du tiers _
C)Force majeure ­D) Cas fortuit
Section III- La prise en compte de la situation de la victime
§ 1- L'exception d'illégitimité
§ II- L'exception de précarité
§ III - L'exception de risque accepté
Chapitre 111- La responsabilité administrative extracontractuelle pour faute
Section 1- Le principe : l'engagement de la responsabilité extracontractuelle pour faute simple prouvée
Section Il- Les exceptions: présomption de faute et faute lourde
§ 1- La présomption de faute
A) En matière de contentieux de travaux publics
B) En matière hospitalière
C) Dommage révélant une mauvaise organisation du service public
§ II- La faute lourde
A) Les activités matérielles des services de police
B) Les services fiscaux
C) Les services pénitentiaires
D) Les activités de contrôle
E) Le fonctionnement du service public de la Justice
1) Le service public de la Justice judiciaire
2) Le service public de la Justice administrative
Chapitre IV- La responsabilité administrative extracontractuelle sans faute Section 1- Caractères généraux
Section Il- Les deux grandes catégories de responsabilité administrative extracontractuelle sans faute
§ 1- La responsabilité administrative extracontractuelle sans faute pour risque
A) Les choses, les méthodes, les situations dangereuses
1) Les choses dangereuses
2)Les méthodes dangereuses
3) Les situations dangereuses
B) Les collaborateurs occasionnels au service public
C) Les tiers à un ouvrage public
D) Les dommages provoqués lors d'un attroupement ou d'un rassemblement
§ II- La responsabilité administrative extracontractuelle sans faute pour rupture d'égalité devant les charges publiques
A) Les dommages non accidentels de travaux publics
B) La responsabilité du fait des décisions administratives régulières
1)La responsabilité du fait d'une décision individuelle
2) La responsabilité du fait d'une décision réglementaire
C) La responsabilité du fait des lois
D) La responsabilité du fait des conventions internationales
Bibliographie
AUTIN J.-L. et RIBOT C., Droit administratif général, Litec, coll. Manuels, 2004.
BRAIBANT G. et STIRN B., Le droit administratif français, PFNSP-Dalloz, coll. Amphithéâtre, 7e édition, 2005.
CHAPUS R., Droit administratif général, tome 1, Montchrestien, Précis Domat, ISe édition,
2001.
DEBBASCH C. et COLIN F., Droit administratif, Économica, 7e édition, 2004.
DUPUIS G., GUEDON M.-J. et CHRETIEN P., Droit administratif, A. Colin, ge édition, 2004. FRIER P.-L. et PETIT J., Précis de droit administratif, Montchrestien, Précis Domat, 3e
édition, 2006.
6
LAUBADERE A. de, GAUDEMET Y. et VENEZIA J.-C., Traité de droit administratif, tome l (Théorie générale), LGDJ, 16e édition, 200l.
LOMBARD M. et DUMC?NT G., Droit administratif, Dalloz, coll. Cours, 6e édition, 2005.





TITRE I LES MOYENS DE L’ACTION
ADMINISTRATIVE : ACTES
ADMINISTRATIFS UNILATERAUX OU
CONTRATS ADMINISTRATIFS




Il y a deux grandes catégories d’actes administratifs : les actes
unilatéraux, qui naissent de la seule volonté de leur auteur, et les contrats, qui naissent de la rencontre d’au moins deux volontés. La grande majorité des actes de l’administration est constituée par les actes unilatéraux car elle a la puissance publique et donc le pouvoir de contrainte. Toutefois, dans certains cas il n’est pas possible d’utiliser les actes unilatéraux ex : marchés publics (fournitures, prestations de services…), il faut donc avoir recours au contrat. Quelques fois l’administration va préférer, pour des raisons politiques, utiliser le procédé contractuel ex : concessions domaniales (contrats par lesquels l’administration autorise l’occupation privative du domaine public). En principe, les contrats de l’administration sont privés, mais il existe plusieurs exceptions législatives et jurisprudentielles dans lesquelles les contrats sont de droit public.



Chapitre 1 Les actes administratifs unilatéraux




Section 1 Les catégories juridiques d’actes administratifs
unilatéraux


Il existe des actes administratifs unilatéraux à contenu décisoire = décisions administratives et à contenu non décisoire. Un acte administratif unilatéral est une décision lorsque la manifestation de volonté de son auteur se traduit par l’édiction d’une norme destinée à modifier l’ordonnancement juridique ou, au contraire, à le maintenir en l’état. Les personnes publiques Etat (autorités centrales, déconcentrées, autorités administratives indépendantes), collectivités territoriales (communes, départements, régions, collectivités d’outre-mer, collectivités à statut particulier), établissements publics, GIP… et les catégories de personnes privée qui gèrent un sp et ont reçu à ce titre des prérogatives de puissance publique, peuvent prendre des aau.


§ 1 Les aau non décisoires


Ils ont en commun de constituer des préalables à l’édiction de décisions administratives. Il existe deux grandes catégories, circulaires et directives, mais il existe également d’autres manifestations.


A/ les circulaires
- contenu. Dans une « vraie » circulaire il y a des instructions, des recommandations, des explications… qui sont adressées par les chefs de service au personnel sous leurs ordres, le plus souvent pour éclairer les conditions dans lesquelles les agents doivent mettre en œuvre une loi ou un règlement. Elles en constituent le commentaire et en interprètent les dispositions, elles n’innovent donc pas sur l’état du droit Þ transparence dans les relations administration – administré

- régime juridique. Il faut distinguer trois temps ® des débuts du DA jusqu’en 1954,
le CE considère qu’une circulaire ne peut jamais avoir de contenu décisoire et ne peut donc pas être contrôlée en sa légalité par le biais de l’excès de pouvoir par le JA. Tout recours en annulation est donc irrecevable, un administré ne peut pas invoquer à son profit une circulaire à l’encontre de l’administration, et l’administration ne peut pas opposer à l’administré une circulaire. On a très vite vu se multiplier des circulaires qui ne se contentaient pas d’être interprétatives mais modifiaient également l’état du droit. Le problème était que si ces dispositions novatrices étaient illégales elles bénéficiaient d’une sorte d’immunité juridictionnelle
® de 1954 à 2002. Le CE cf. arrêt « institution Notre-Dame du Kreisker » du 29 janvier 1954 a décidé d’examiner le contenu de chaque circulaire, et distingue donc les circulaires interprétatives des circulaires réglementaires. Les circulaires réglementaires comportent des dispositions qui ne se limitent pas à interpréter et commenter mais elles ajoutent à l’état du droit. Ce sont donc des décisions et sont opposables par l’administration à l’administré, invocables par le particulier à l’encontre de l’administration et contestables devant le JA, directement ou en exception d’illégalité. Si l’auteur de la circulaire réglementaire ne disposait pas du pouvoir réglementaire la circulaire est annulée, de même si l’auteur qui disposait du pouvoir réglementaire ne l’a pas utilisé dans le respect du principe de légalité. Les « véritables » circulaires continuent à être soumises au régime originel
® depuis 2002 cf. arrêt « Mme Duvignèrs » du 18 décembre 2002 le contrôle du juge est encore étendu. A la distinction précédente est substituée la distinction circulaires non impératives – circulaires impératives. Les circulaires non impératives bénéficient toujours de l’immunité juridictionnelle puisque ce sont des circulaires qui contiennent un rappel de texte, mais si elles commentent et explicitent l’état du droit elles laissent à l’agent une marge d’interprétation propre. Une circulaire impérative ou le refus d’abroger une circulaire impérative constitue une décision qui fait grief à l’état du droit. Entrent dans cette catégorie les circulaires réglementaires = circulaires qui, dans le silence des textes, imposent des normes réglementaires et les circulaires interprétatives contraignantes = qui imposent une interprétation. Ces dernières peuvent être illégales pour méconnaissance du sens et de la portée des dispositions législatives que la circulaire entend appliquer, ou pour réitération d’une norme contraire à une norme juridique supérieure.


B/ les directives d’orientation
NB : une directive d’orientation est à différencier d’une directive de droit communautaire dérivé
- définition cf. arrêt CE « Crédit foncier de France » du 11 décembre 1970. Le chef de service définit par une directive à l’égard de ses subordonnés une ligne de conduite à suivre dans une série d’affaires où ils disposent d’un pouvoir discrétionnaire. Les destinataires conservent cependant toujours le pouvoir de s’écarter de cette ligne directrice

- régime juridique. Contrairement à un règlement, une directive ne décide pas, elle se contente d’orienter. L’autorité destinatrice d’une directive est donc toujours en droit dans une affaire de s’écarter de l’orientation générale que la directive prévoit. La directive ne prive nullement le subordonné de sa liberté d’interprétation, celui-ci peut donc après examen déroger à la ligne de conduite soit pour un motif d’intérêt général, soit pour des motifs tirés des particularités de l’affaire idem principe d’égalité relative devant le sp. De plus, puisque la directive n’a pas un contenu décisoire elle n’a pas d’effet direct sur l’administré contrairement aux décisions et est donc insusceptible de tout recours en excès de pouvoir.
Contrairement aux circulaires, alors même qu’elle ne modifie pas par elle-même la situation juridique des administrés, les directives emportent sur eux certains effets. L’administration (le subordonné) peut valablement fonder sur une directive une décision individuelle, en cela la directive est opposable aux administrés. Réciproquement, la directive est opposable par l’administré à l’encontre de l’administration : l’administré peut se prévaloir d’une directive pour contester une décision individuelle du subordonné qui ne serait pas justifiée au regard de la directive dont elle procède et ce dans le cas où le subordonné a dérogé à la directive comme dans celui où il n’y a pas dérogé. Enfin, si l’administré ne peut pas contester une directive pour excès de pouvoir, rien ne lui interdit d’attaquer pour excès de pouvoir la décision individuelle qu’a prise le subordonné au motif de l’illégalité de la directive. Comme son nom l’indique, une directive d’orientation est sensée poursuivre un certain but, or si elle est inadaptée à ce but elle est susceptible de transmettre son illégalité aux décisions individuelles.


C/ autres catégories d’aau non décisoires
Entrent dans cette catégorie les avis qui constituent la sollicitation de l’opinion des autorités concernées. En tant que tel, u avis n’est donc qu’une opinion et ne peut alors faire l’objet d’une demande en annulation. Il faut distinguer les avis obligatoires qui doivent obligatoirement être sollicités ex : dissolution de l’assemblée nationale par le président de la République des avis facultatifs et des avis conformes qu’il est obligé de solliciter et de suivre.
Le vœu est l’émission spontanée par l’autorité administrative de son opinion à l’attention de l’autorité détenant le pouvoir de décision. Ce n’est pas un acte attaquable en excès de pouvoir. De même pour les recommandations qui ne sont que des conseils, ou encore les propositions NB : le refus de faire une proposition constitue une décision et est donc attaquable en excès de pouvoir, mais pas la proposition elle-même, ou les mises en demeure = mesures comminatoires qui conservent le caractère d’une simple invitation.
Les actes-types regroupent notamment les cahiers des charges administratifs. Si le cahier des charges n’est pas imposé il reste un acte non décisoire il en va à l’inverse s’il est imposé.


§ 2 Les décisions administratives


A/ forme
Par rapport au DC qui est très formaliste, le DA l’est beaucoup moins. Une décision administrative peut ainsi être soit explicite soit implicite. Une décision administrative explicite peut être écrite, gestuelle ex : ordre d’un agent de police à un carrefour ou verbale. Une décision administrative implicite/tacite correspond à la théorie du silence éloquent : on considère que le silence de l’administration vaut décision. Elle naît lorsque l’administration est saisie d’une demande et conserve pendant un certain délai le silence. Il existe des décisions implicites de rejet et d’acceptation. En principe, lorsqu’une demande est déposée à l’administration et que celle-ci ne répond pas dans un délai de deux mois, à l’expiration de ce délai elle est présumée avoir rejeté sa demande cf. loi 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations (DCRA) _ avant, le délai était de quatre mois (loi de 1900 et décret de 1965) _ ce n’est pas un délai franc, il court de jour à jour. Par exception, il existe un certain nombre de cas où le silence après expiration du délai vaut acceptation ex : permis de construire/démolir/défricher tacite, création de lits supplémentaires en cliniques…


B/ portée
Une décision administrative peut avoir une portée réglementaire, individuelle ou d’espèce. Une décision réglementaire ex : décret organisant un corps de fonctionnaires est générale et impersonnelle, et peut ensuite servir de base à des décisions individuelles. Ces dernières sont nominatives, i.e. contiennent le nom de leur destinataire/bénéficiaire ex : décret de nomination du Premier ministre par le président de la République. La décision collective/plurinominative contient plusieurs noms mais elle reste une variante de la décision individuelle. Cette distinction est essentielle en matière de compétence juridictionnelle : le Conseil d’Etat connaît en premier et dernier ressort des recours contre les décisions ministérielles réglementaires, les décisions individuelles doivent être attaquées devant le TA. Les décisions d’espèce/sui generis ne sont ni réglementaires ni individuelles, elles ne font qu’appliquer à une espèce particulière une réglementation préalable qui n’est pas modifiée ex : déclaration d’utilité publique, décision de constatation de catastrophe naturelle… Elles ne sont pas créatrices de droits et peuvent ainsi être retirées à tout moment.


C/ décisions insusceptibles de recours
Les actes de gouvernement ne sont pas susceptibles d’un recours devant le CE car celui-ci est incompétent. Les mesures d’ordre intérieur et préparatoires bénéficient également de cette immunité mais parce qu’elles sont irrecevables et non pas parce que le CE est incompétent.
- mesures d’ordre intérieur. C’est une théorie qui s’est structurée dans les années 1890. Il s’agit d’une décision de l’administration prise dans l’intérêt du service et destinée à en organiser la vie intérieure. C’est donc une sorte de police interne. On rencontre ce type de mesures dans le cadre de l’école, la caserne et la prison ex : heures de retenue _ cf. arrêts du CE « Hardoin » et « Marie » : « toute mesure qui ne porte pas atteinte aux droits des personnes et n’a pas de répercussion grave ». Elles ne sont pas susceptibles d’un recours en excès de pouvoir ni en exception d’illégalité, ni en réparation d’un dommage dont elles seraient à l’origine. Les personnes visées par les mesures d’ordre intérieur sont tant les agents que les usagers ou les tiers.

- mesures préparatoires. Ce sont des décisions qui constituent un élément de la procédure d’élaboration d’une autre décision à intervenir dont elles rendent possible l’édiction ex : décision du préfet d’ouvrir une enquête publique préalable à la déclaration d’utilité publique. Le seul recours contre ces mesures est d’attaquer la décision qui suit pour excès de pouvoir, et par là soulever l’exception d’illégalité de la mesure préparatoire.



Section 2 Les conditions de régularité des décisions
administratives


§ 1 La compétence de l’auteur de l’acte

A/ le parallélisme des compétences
Il est très fréquent que des textes désignent une autorité compétente pour édicter une décision. Il est extrêmement fréquent que ces textes soient silencieux sur l’autorité compétente pour mettre fin retrait ou abrogation ou modifier l’acte. Dans ce cas, c’est le parallélisme des compétences = théorie de l’acte contraire qui joue : celui qui est compétent pour faire est compétent pour défaire, aussi longtemps qu’il conserve sa compétence. Cette théorie ne joue que s’il s’agit de faire, défaire ou refaire tout ou partie de ce qui a été fait. Elle ne s’applique pas à un refus d’édicter une décision : l’autorité compétente pour édicter l’acte n’est pas nécessairement compétente pour refuser de l’édicter cf. arrêt « Digne » du 6 novembre 1985.


B/ la désinvestiture, l’absence ou l’empêchement de l’autorité compétente
- l’expédition des affaires courantes par une autorité désinvestie. A un moment donné, une autorité perd son titre de compétence. Le problème se pose dans le moment entre la désinvestiture du premier agent et son remplacement par un deuxième cf. arrêt d’assemblée « syndicat régional des quotidiens d’Algérie » du 4 avril 1952 : « lorsqu’une autorité est désinvestie elle conserve le temps nécessaire à la désignation et à l’installation de son successeur le pouvoir d’expédier les affaires courantes. C’est un principe traditionnel du droit public » : l’agent désinvesti conserve le pouvoir d’expédier les affaires courantes. Il peut donc signer toutes les mesures pour lesquelles il n’a aucune marge d’interprétation ex : tableau d’avancement _ cf. arrêt d’assemblée « Brocas » du 17 octobre 1962 : « l’urgence peut justifier qu’une autorité désinvestie aille au-delà du règlement des affaires courantes ». En cas de situation exceptionnelle ou de situation d’urgence, ces pouvoirs peuvent cependant être augmentés.

- la suppléance et l’intérim d’une autorité absente ou empêchée. La ressemblance essentielle entre les deux est que celui qui en bénéficie reçoit l’intégralité des prérogatives et des compétences de l’autorité qu’il remplace. En revanche, suppléance et intérim s’opposent par leur mode d’organisation. L’intérim n’est pas prévu par un texte mais institué de façon improvisée par l’autorité supérieure à celle qui doit être remplacée. La suppléance est prévue et organisée par un texte qui désigne l’autorité susceptible d’en bénéficier ex : suppléance de la présidence de la République assurée par le président du Sénat cf. art. 7 de la Constitution.


C/ les délégations de compétence
- conditions de régularité. Une délégation de compétence est une délégation qu’un supérieur hiérarchique confère à un de ses subordonnés. Pour des raisons de sécurité juridique, elle doit être nécessairement écrite. Pour être légale, elle doit respecter trois conditions ® qu’un texte adéquat autorise le principe-même de la délégation cf.
règle d’indisponibilité de la compétence _ ex : art. 13 de la Constitution : le président de la République peut déléguer par décret au Premier ministre son pouvoir de nomination des ministres
® qu’elle soit explicite, de sorte qu’aucun doute n’apparaisse quant à son existence, ni sur l’identité du bénéficiaire, ni sur l’étendue des prérogatives déléguées
® qu’elle ne porte pas sur l’intégralité des prérogatives.
La délégation de compétence doit faire l’objet d’une mesure de publication affichage, notification individuelle, publication dans un certain nombre de recueils… Elle constitue un acte réglementaire car porte sur l’exercice et l’organisation du pouvoir réglementaire. Le défaut de publication n’entraîne pas de son seul fait l’illégalité de la délégation : une délégation non publiée n’est pas entrée en vigueur, les mesures prises par le délégataire sont donc frappées d’illégalité pour manque de base légale.

- variété des délégations de compétence : délégation de pouvoir et délégation de signature. Une délégation de signature est toujours consentie à une autorité nominativement désignée ex : délégation du pouvoir de police du président de l’université aux doyens des facs et devient donc caduque lorsque le délégant ou le délégataire change. Une délégation de pouvoir, elle, est consentie à une autorité quant à sa qualité et n’est donc pas affectée par les changements de personnes. Elle se poursuit aussi longtemps que le délégant n’y met pas fin. Juridiquement, une délégation de signature ne fait que matériellement décharger le délégant de l’exercice de certaines de ses attributions dont il reste titulaire : le délégant reste donc libre à tout moment de décider à la place de son délégataire. Les décisions prises par la personne ayant reçu une délégation de signature se situent à son propre rang dans la hiérarchie administrative.
Une délégation de signature ne peut jamais être subdéléguée. En revanche, le titulaire d’une délégation de pouvoir peut la déléguer mais uniquement sous la forme d’une délégation de signature.


§ 2 Le respect de la procédure d’élaboration (procédure administrative non
contentieuse)


A/ examen particulier des circonstances
Il faut distinguer la compétence liée pas de marge d’interprétation, la décision est totalement encadrée par la loi du pouvoir discrétionnaire libre appréciation qui permet de décider en tout opportunité. Dans le cadre de ce dernier, pour l’édiction d’une décision individuelle ex : demande d’autorisation d’ouverture de débit de boissons il faut avoir réalisé un examen réel et complet des données propres à l’affaire pas de position de principe qui doit ressortir dans la motivation de la décision.


B/ parallélisme des procédures
Il s’agit de savoir si la modification, le retrait ou l’abrogation d’une décision administrative doit être fait selon la procédure d’édiction de cet acte. C’est en effet le cas, mais uniquement si la procédure à suivre était de caractère obligatoire.


C/ modalités de consultation et portée des avis
- définition de l’avis. Un avis est un acte unilatéral non décisoire par lequel un organe administratif, qu’il soit individuel ou collégial, donne son opinion sur une question ou un projet de texte dont l’a saisi une autorité administrative. Comme les propositions, les vœux et recommandations ils ne peuvent pas faire l’objet d’un recours, à l’exception des avis contenus dans une délibération de conseil d’une collectivité territoriale déféré préfectoral par le préfet _ cf. arrêt de section du CE « SARL Enlem » du 29 décembre 1997.

- modalités de consultation. Trois grandes règles ® lorsqu’une consultation est
facultative, l’autorité compétente apprécie librement, en opportunité, si elle doit y procéder. Si elle décide de demander un avis facultatif, elle doit alors se conformer aux règles de procédure qu’elle a elle-même édictées aussi longtemps qu’elle n’a pas décidé de les abroger. En cas d’irrégularité de procédure qui a exercé une influence sur l’avis rendu ou sur la décision subséquente qui a été prise, cette décision est illégale
® lorsqu’un avis est demandé à un organe collégial, celui-ci doit être réuni dans sa collégialité « de telle sorte qu’un échange de vues se déroule et qu’une véritable délibération ait lieu » cf. quorum sous peine d’illégalité
® l’autorité consultée doit être mise à même par l’autorité consultante de se prononcer en connaissance de cause en lui communiquant en temps utile tous les éléments pertinents.

- portée des avis. Il existe trois grands types d’avis : facultatifs, obligatoires et conformes. L’autorité administrative a toujours le droit de solliciter un avis facultatif et n’est jamais liée par son résultat, même si elle a tout spécialement créé l’organisme consulté cf. arrêt du CE « Cornebois » du 30 juin 1997. Une autorité administrative conserve la faculté d’apporter au projet de décision qu’elle a soumis à consultation « toutes les modifications qui lui paraissent utiles, qu’elle qu’en soit l’importance, sans avoir besoin de saisir à nouveau l’organisme consulté » cf. arrêt de section du CE « syndicat CGT – FO des fonctionnaires du commerce extérieur » du 15 mars 1974.
Un avis obligatoire est un avis qu’il est obligatoire de solliciter mais pas nécessairement de suivre. En cas d’avis obligatoire, si celui-ci n’est pas entièrement favorable et comporte des propositions de modifications, l’autorité consultante peut soit adopter la décision-même dont le projet était soumis à consultation, soit elle reprend à son compte toutes les modifications apportées cf. arrêt du CE « commune de Willer sur Thur » du 28 avril 1954.
L’avis conforme doit être non seulement demandé mais également suivi. Lorsqu’il est totalement défavorable l’autorité abandonne son projet. S’il est partiellement conforme ou conforme sous réserves, l’autorité administrative peut soit abandonner son projet d’acte, soit reproduire totalement les réserves émises par l’autorité consultée. Dans l’hypothèse d’une violation de l’avis conforme, l’autorité commet un vice de compétence qui peut être soulevé par le juge à tout moment de la procédure.


D/ respect du principe du contradictoire
Le principe du contradictoire se rencontre dans un certain nombre d’hypothèses où une autorité administrative ne peut prendre un décision qu’après avoir mis à même les intéressés de faire valoir leur point de vue et, éventuellement, de présenter leurs observations/oppositions cf. théorie de la démocratie administrative. On rencontre ce principe dans trois cas de figure : lorsque l’administration envisage d’exercer la répression administrative envers ses agents ou ses usagers elle ne peut le faire qu’après avoir respecté les droits de la défense, lorsque l’administration prend des mesures en considération de la personne ex : nomination de préfet, ou dans le cadre de décisions individuelles devant faire l’objet d’une motivation obligatoire.
- droits de la défense en cas de mesure présentant le caractère d’une sanction. ex : éviction d’un agent du service Toutes ces mesures ne peuvent être édictées qu’après que l’intéressé a été informé de la procédure engagée à son encontre, des griefs qui lui sont reprochés, et qu’il ait le délai nécessaire pour préparer sa défense. L’origine historique de ces droits de la défense remonte à l’art. 65 de la loi du 22 avril 1905 qui reconnaît aux agents publics la communication de son dossier avant un déplacement d’office ou une mesure disciplinaire. Cet article a été étendu en-dehors de la fonction publique cf. arrêt « dame veuve Trompier-Gravier ». Il s’agit d’un PGD pour le CE, et d’un « principe fondamental reconnu par les lois de la République » pour le Conseil constitutionnel cf. décision « prévention des accidents du travail » du 2 décembre 1976. La jurisprudence a cependant précisé que le respect des droits de la défense ne concerne pas, sauf décision légale contraire, toute décision qui, tout en emportant des conséquences favorables pour son destinataire, poursuit un but d’intérêt général cf. arrêt du CE du 25 avril 1957 ou de maintien de l’ordre public cf. arrêt du CE du 21 juillet 1970.

- mesures prises en considération de la personne. C’est une théorie qui a été dégagée par le CE cf. arrêt de section « Neygre » du 24 juin 1949. Ces mesures sont prises dans l’intérêt du service à l’égard d’un agent donné, mais qui n’est pas une sanction ni la conséquence nécessaire d’un règlement relative au statut des agents ou à l’organisation des services. On considère que ces cas-là que ces mesures doivent être précédées de l’organisation d’une contradiction.

- décisions individuelles devant faire l’objet d’une motivation obligatoire. cf. loi du 11 juillet 1979 sur la motivation obligatoire des actes administratifs Il en existe deux grandes catégories ® les décisions individuelles défavorables à leur destinataire et
énumérées à l’art. 1er de la loi ex : refus de l’octroi d’un avantage qui constitue un droit
® toutes les décisions individuelles dérogatoires à une réglementation.
En présence de ces deux catégories de décisions, une procédure contradictoire doit être organisée avant leur édiction. Il faut mettre le(s) intéressé(s) à même de présenter des observations écrites relativement au projet de décision, ce qui implique le respect d’un délai raisonnable. Si l’intéressé le demande, il a le droit d’être reçu par les responsables du projet pour présenter lui-même des observations orales, assisté s’il le désire d’un avocat. Toutefois, par dérogation sont exemptées de cette procédure les décisions statuant sur une demande présentée par l’administré, et les mesures d’urgence ou circonstances exceptionnelles. De la même façon, il existe une exemption pour les cas où la mise en œuvre de la procédure contradictoire serait de nature à compromettre l’ordre public ou la conduite des relations internationales, les cas où des dispositions législatives spécifiques auraient prévu une procédure particulière, ou les cas où la décision à prendre intervient en compétence liée.


§ 3 Le respect des exigences de présentation formelle


A/ obligation de faire figurer expressément dans certaines décisions une motivation expresse
En principe, les décisions administratives n’ont pas à comporter de motivation expresse qui consiste en l’énoncé des considérations de fait ou de droit qui ont justifié l’édiction de la décision. Pour autant, il y a des exceptions législatives et jurisprudentielles.
- exceptions législatives ® motivation obligatoire en vertu de la loi du 11 juillet 1979.
Cette loi impose à l’administration de motiver les décisions individuelles défavorables à leur destinataire que vise l’art. 1er ex : mesures retreignant l’exercice de liberté publique, mesures de police, mesures infligeant une sanction, mesures de retrait ou d’abrogation d’une décision créatrice de droits, décisions refusant une autorisation…, ainsi que les décisions individuelles dérogatoires. En l’absence d’une telle motivation, l’administration commet un vice de forme qui peut entraîner l’annulation de la décision. Il y a cependant des dérogations toutes les fois où la motivation porterait atteinte au secret médical, au secret défense, à la politique extérieure de la France, à la sûreté de l’Etat ou à la sécurité publique. Dans les cas d’urgence absolue, l’administration peut ne pas motiver un acte mais l’administré a le droit, dans un délai d’un mois suivant l’édiction de l’acte, de demander à ce qu’on lui communique ces motifs cf. art. 4 de la loi. Dans le cas d’une décision implicite de rejet intervenue dans le cas où une décision explicite aurait dû faire l’objet d’une motivation, l’intéressé peut, dans le délai du recours contentieux = deux mois, demander à l’administration qu’elle lui fournisse cette motivation
® motivation obligatoire en vertu de textes spécifiques ex : obligation de motivation pour certains règlements, pour certaines décisions individuelles défavorables, pour les arrêtés d’hospitalisation d’office, pour certaines décision favorables…

- exceptions jurisprudentielles. cf. arrêt d’assemblée du CE « agence maritime Marseille – fret » du 27 novembre 1970 Doivent faire l’objet d’une motivation expresse toutes les décisions, quelle que soit leur portée, des organismes collégiaux composés en tout ou partie de représentants des professions intéressées.


B/ autres exigences
Dans un certain nombre de cas, il peut être prévu l’obligation de signature de l’acte par son auteur. Il peut notamment être indiqué qu’une autorité administrative doive, quand elle prend un acte, le faire contresigner par une autre autorité sous peine d’illégalité cf. certains actes du président de la République, du Premier ministre _ cf. arrêt du CE « Sicard » de 1962.



Section 3 L’entrée en vigueur, l’exécution et la disparition
des décisions administratives


§ 1 L’entrée en vigueur des décisions administratives


L’entrée en vigueur d’un acte conditionne son caractère exécutoire. Les mesures de publicité dont cet acte fait l’objet le rendent applicable, i.e. opposable par l’administration à ses administrés et invocable par l’administré à l’encontre de l’administration.


A/ règles communes à toutes les décisions administratives
- distinction de l’existence et de l’entrée en vigueur. L’existence d’un acte législatif ou administratif n’est jamais conditionnée par les mesures de publicité dont elle fait l’objet publication, notification ou affichage. En cas d’absence ou d’irrégularité de ces mesures, il n’y a aucune influence quant à la légalité de l’acte cf. arrêt du CE « Laroche » du 27 mars 1914. L’existence d’un acte administratif se distingue par rapport à son entrée en vigueur à trois égard ® alors même qu’il n’est pas entré
en vigueur du fait de l’absence de mesures de publicité, un acte administratif peut faire l’objet d’un recours en excès de pouvoir cf. arrêt de section du CE « syndicat général des ingénieurs-conseil » du 26 juin 1959. En effet, puisqu’il n’y a pas eu de mesure de publicité le délai de recours en excès de pouvoir n’a pas été déclenché, il est donc ouvert à tout jamais
® la légalité d’un acte s’apprécie à la date de son adoption, et non pas de son entrée en vigueur cf. arrêt du CE « Lassus et Cottin » du 9 juin 1951
® un acte réglementaire qui n’est pas encore entré en vigueur peut valablement servir de base légale à une décision non réglementaire destinée à en assurer la mise en œuvre. Cette décision n’est en effet pas illégale du seul fait que le règlement auquel elle se réfère n’est pas entré en vigueur cf. arrêt du CE « syndicat national des chemins de fer » du 18 juillet 1913.

- interdiction d’une entrée en vigueur rétroactive. L’interdiction pour l’administration de fixer la date d’entrée en vigueur d’un acte, réglementaire ou non, antérieurement à sa publication ou son affichage, ou signature ou signification, ou transmission à l’autorité de tutelle, est un principe générale du droit reconnu par le CE cf. arrêt « société journal L’Aurore » du 25 juin 1949 et le Conseil constitutionnel cf. décision de 1962. Une décision administrative ne doit donc décider que pour l’avenir. Depuis 1982, les actes des collectivités territoriales et des établissements publics territoriaux connaissent des règles d’entrée en vigueur particulières : ils doivent faire l’objet d’une transmission en préfecture lorsqu’ils sont très importants ex : mesures intéressant la fonction publique locale, et n’entrent donc en vigueur qu’après publicité et transmission. Par exception, l’administration peut fixer la date d’entrée en vigueur rétroactivement si une loi l’y autorise hors matière pénale, en cas de décision de retrait, ou dans l’hypothèse où la rétroactivité est nécessaire pour que l’administration puisse tirer les conséquences d’une annulation, d’un retrait ou pour combler un vide juridique cf. arrêt du CE « association des professeurs agrégés des disciplines artistiques » du 7 février 1979, ou encore dans tous les cas où la rétroactivité est liée à la nature-même d’une décision cf. arrêt de section du CE « Contessoto » du 17 juin 1950.


B/ règles propres à chaque catégorie de décisions administratives
- entrée en vigueur des règlements administratifs. L’entrée en vigueur d’un règlement est subordonnée à sa publication ou à son affichage. Un règlement qui n’a pas fait l’objet d’une publicité officielle n’est pas entré en vigueur, personne ne peut donc s’en prévaloir. Il existe cependant deux exceptions ® l’entrée en vigueur des
règlements des collectivités territoriales et de leurs établissements publics qui sont soumis à transmission entrée en vigueur = publicité et transmission
® un règlement peut s’avérer inapplicable aussi longtemps que les mesures nécessaires pour préciser son application n’ont pas été édictées.
De plus, un règlement peut fixer lui-même une date d’entrée en vigueur postérieure à sa publication.

- entrée en vigueur des décisions non réglementaires. Les décisions d’espèce suivent les règles applicables aux décisions réglementaires pour leur entrée en vigueur. Pour les décisions individuelles, la question centrale en matière d’entrée en vigueur est de savoir si la décision est favorable ou non à son destinataire. Dans le premier cas, elle entre en vigueur vis-à-vis du destinataire dès le jour de sa signature sans qu’aucune mesure officielle soit requise cf. arrêt de section du CE « Demoiselle Mattéï ». En revanche, si la décision n’est pas favorable à son destinataire elle n’entre en vigueur à son égard qu’à compter du jour où elle lui est notifiée cf. arrêt de section du CE « syndicat chrétien du ministère de l’industrie et du commerce » du 12 juin 1959.


§ 2 L’exécution des décisions administratives


A/ la présomption de légalité
- l’exécution provisionnelle. On présume que l’administration, étant au service de l’intérêt général, ne peut en principe que prendre des décisions légales. Elle reste donc légale et produit des effets de droit aussi longtemps qu’elle n’a pas été retirée/abrogée par son auteur ou annulée par le juge, et tout le monde doit s’y soumettre même s’ils la soupçonnent très fortement d’être illégale. Il faut donc l’exécuter par provision et ensuite en contester la légalité si nécessaire NB : la seule saisine du juge n’a pas d’effet suspensif sur l’exécution par provision.

- suspension en référé des effets d’une décision cf. loi du 30 juin 2000 La décision ne doit pas avoir épuisé tous ses effets. Il faut tout d’abord attaquer au principal en annulation de l’acte puis joindre une requête accessoire demandant de suspendre en référé les effets de la décision. Le juge doit prendre en considération trois éléments ® un moyen juridique de nature à faire naître un doute sérieux sur la légalité de
l’acte dont l’annulation est demandée au principal
® une urgence à bloquer les effets de l’acte
® l’octroi de la suspension ne porte pas une atteinte excessive à l’intérêt général = pouvoir discrétionnaire du juge _ cf. arrêt du CE de 1976 et loi de 2000. Cette appréciation discrétionnaire du juge peut être réexaminée en appel mais pas en cassation.


B/ le devoir d’obéissance par les administrés aux décisions administratives et ses sanctions
Un administré doit obéir aux décisions de l’administration, sous peine de sanctions de trois grandes catégories.
- exercice de poursuites pénales ex : art. R 610-5 du CP : les mesures de police administrative sont sanctionnées de contraventions devant le tribunal de police ou correctionnel.

- prononcé de sanctions administratives. C’est le terrain de la répression administrative. Une loi peut doter un ministre ou une autorité administrative indépendante du pouvoir de prononcer des sanctions à l’encontre de ceux qui bafouent les dispositions de la loi ou les mesures prises par le ministre ou l’autorité administrative pour application de cette loi ex : pénalités fiscales. En principe, une autorité administrative indépendante a un pouvoir de sanction, notamment dans le domaine de l’économie ex : Conseil de la concurrence. C’est une situation ambiguë car l’administration cumule ainsi les pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire cf. décision du Conseil constitutionnel « liberté de communication » du 17 janvier 1989 « ni le principe de séparation des pouvoirs ni aucune autre norme de valeur constitutionnelle ne s’oppose à ce que le législateur investisse une autorité administrative du pouvoir de prononcer de telles sanctions, dans les limites nécessaires à l’accomplissement de sa mission », cependant le Conseil constitutionnel a décidé que cela ne posait pas de problème tant qu’étaient respectés le principe de légalité des délits et des peines, le principe de présomption d’innocence, la personnalité des peines, la nécessité et la proportionnalité de la sanction, les droits de la défense, et le principe d’application immédiate de la loi plus douce.

- recours à l’exécution forcée. L’administration ne peut procéder à l’exécution forcée de ses décisions que dans trois hypothèses ® un texte de loi l’y autorise ex : art. 21
de la loi du 3 juillet 1977 sur les réquisitions militaires « en cas de mauvais vouloir des habitants, le recouvrement des prestations requises est assuré au besoin par la force »
® en l’absence de tout autre voie de droit ex : prononcé d’une sanction administrative cf. arrêt du CE « SCI de St Just » de 1902
® urgence ou péril imminent.
En cas d’exécution forcée en-dehors d’une de ces hypothèses, l’administration commet une voie de fait cf. arrêt du TC « Flavigny » du 27 novembre 1952.



§ 3 La disparition des décisions administratives


A/ la sortie de vigueur non rétroactive
- la caducité. C’est lorsqu’une décision administrative dispose/avance qu’elle cessera de produire ses effets à une date déterminée ou suite à un événement déterminé. Dans ce cas, il s’agit d’une caducité automatique ex : état d’urgence ou état de siège = 12 jours.

- l’abrogation. C’est la suppression pour l’avenir d’un acte administratif unilatéral. Pour son régime juridique, tout dépend de la portée de l’acte ® règlement. Son
abrogation est possible à tout moment, spontanément ou sur demande, et ceci alors même que l’acte est parfaitement légal cf. arrêt du CE « Despujol »du 10 janvier 1930. En effet, un administré n’a jamais un droit acquis au maintien d’un acte réglementaire cf. arrêt du CE « syndicat national de la meunerie à seigle » du 25 juin 1954. Dans certains cas, la faculté qu’a l’administration d’abroger un règlement peut se transformer en obligation cf. arrêt d’assemblée du CE « compagnie Alitalia » du 3 février 1989. C’est le cas lorsqu’il y a une demande en ce sens et lorsqu’il y a soit une illégalité initiale, soit une illégalité subséquente due à un changement dans les circonstances de fait ou de droit. Pour ce qui est des règlements devenus illégaux, l’arrêt « Alitalia » confirme l’arrêt d’assemblée du CE « Simonet » du 10 janvier 1964 mais revient sur l’arrêt « syndicat national des cadres des bibliothèques », rendu le même jour, qui avait imposé qu’en cas de changement provoqué par un texte que la demande d’abrogation soit formée dans les deux mois de l’édiction du texte pour être recevable. En revanche, « Alitalia » maintien le sort à part qui est fait depuis 1964 à l’évolution de circonstances de fait en matière économique, fiscale ou « matières où l’administration dispose de pouvoirs étendus pour adapter son action à l’évolution des circonstances ». En effet, dans ces cas-là l’abrogation est limitée « aux cas où le changement des circonstances dans lesquelles la disposition litigieuse trouvait sa base légale a revêtu, pour des causes indépendantes de la volonté des intéressés, le caractère d’un bouleversement tel qu’il ne pouvait entrer dans les prévisions de l’auteur de la mesure et qu’il a eu pour effet de retirer à celle-ci son fondement juridique ».
Pour les règlements illégaux ab initio, « Alitalia » éclaircit une situation jurisprudentielle confuse puisque le CE avait d’abord admis la même solution cf. arrêt « Leboucher et Talandon » du 12 mai 1976 puis avait imposé le délai de deux mois cf. arrêt de section « société Afrique France Europe transactions » du 30 janvier 1981
® acte non réglementaire. Il faut distinguer les actes créateurs de droits et non créateurs de droits. Les premiers ne peuvent en principe pas être abrogés sauf demande en ce sens du titulaire des droits ou si une loi ou un règlement envisage expressément cette faculté. Les actes non créateurs de droits peuvent être abrogés à tout moment, voire même ils doivent être abrogés en cas de demande en ce sens si l’acte est devenu illégal suite à un changement dans les circonstances ayant justifié son édiction, et si la décision n’est pas devenue définitive cf. arrêt de section du CE « association Les Verts » du 30 novembre 1990. Tout acte administratif obtenu par fraude peut être abrogé à tout moment.


B/ la sortie de vigueur rétroactive : le retrait
- retrait d’une décision administrative non créatrice de droits. Il est possible à tout moment ex : acte inexistant, acte obtenu par fraude…, que la décision soit légale ou non.

- retrait d’une décision administrative créatrice de droits. NB : une décision légale ne peut jamais être retirée Si la décision est expresse et illégale, elle ne peut être retirée que dans les quatre mois suivant son édiction cf. arrêt d’assemblée du CE « Ternon » du 26 octobre 2001. Auparavant, il était admis qu’une telle décision pouvait être retirée pendant aussi longtemps qu’elle était susceptible d’être annulée par le juge cf. arrêt du CE « Cachet » du 3 novembre 1982.
Les décisions implicites et illégales cf. loi DCRA du 12 avril 2000 ne peuvent être retirées que dans trois cas : dans le délai du recours contentieux lorsque des mesures d’information des tiers ont été mises en œuvre ex : permis de construire implicite, dans le délai de deux mois à compter de la date à laquelle la décision est intervenue lorsqu’il n’y a pas eu de mesure d’information des tiers, ou encore pendant toute la durée de l’instance si un recours contentieux a été engagé.





Chapitre 2 Les contrats administratifs



Section 1 Les critères d’identification



Tout contrat passé par l’administration est en principe un contrat de droit privé, mais par exception certains contrats peuvent être soumis à des règles exorbitantes. Il existe deux grandes hypothèses de dérogation : les contrats administratifs par détermination de la loi et les contrats administratifs par application des critères jurisprudentiels.



§ 1 Les contrats administratifs par détermination de la loi


Historiquement, il s’agit de tous les contrats intéressant les ventes domaniales de l’Etat, les travaux publics = tout travail immobilier fait pour le compte d’une personne publique dans un but d’intérêt général (cf. arrêt du CE « commune de Monségur » de 1921) / = tout travail immobilier fait pour le compte d’une personne privée par une personne publique dans un but de service public (cf. arrêt du TC « Effinieff » de 1955), les concessions domaniales = contrats par lesquels une personne publique autorise une occupation privative de son domaine public, les marchés publics cf. loi MURCEF de 2001.


§ 2 Les contrats administratifs par application des critères jurisprudentiels


Du fait de la séparation des autorités administrative et judiciaire, le contentieux de l’administration est divisé entre le juge administratif et le juge civil. Le JA a petit à petit établi des blocs de compétences. En matière de contrats, le bloc de compétences judiciaire comporte les relations spic – usagers et spic – agents. Les agents de spic sont tous titulaires de contrats de droit privé même si le spic est géré par une personne publique _ cf. arrêt de section du CE « Jalenques de Labeau » du 8 mars 1957 sauf le titulaire du plus haut emploi qui est lié par des liens de droit public au gestionnaire du spic si c’est une personne publique, et par un contrat public au comptable si c’est une personne publique. Les relations usagers – spic sont en principe de droit privé, même si le contrat comporte des clauses exorbitantes du droit privé cf. arrêt de section du CE « établissement Campanon-Rey » du 13 octobre 1961. Le bloc de compétence administrative comporte les spa, et ce quel que soit l’emploi des agents toujours un contrat public _ cf. arrêt du TC « Berkani » du 25 mars 1996 qui s’oppose à l’arrêt de section du CE « Vingtain et Affortit » du 4 juin 1954.


A/ les contrats entre deux personnes publiques
ex : contrat de plan Etat – région Ces contrats revêtent en principe une dimension administrative cf. arrêt du TC « EAP » du 21 mars 1983, cependant cette règle peut être écartée si, eu égard à son objet, le contrat ne fait naître entre les parties que des rapports du pur droit privé cf. arrêt du CE « bureau d’aide sociale de Blénod les Pont-à-Mousson ».


B/ les contrats entre une personne publique et une personne privée
- les contrats liés à un service public ® contrats ayant pour objet de confier à un tiers
la gestion d’un service public cf. arrêt du TC « Théron » du 4 mars 1910. On considérait les contentieux des contrats conclus par les collectivités territoriales comme relevant du droit privé. Depuis 1910, tout contrat par lequel une administration confie à un tiers la gestion d’un service public est un contrat de DA
® contrats faisant participer le partenaire de l’administration à l’exécution même d’une mission de service public cf. arrêt du CE « époux Bertin » du 20 avril 1956
® recours au procédé contractuel, modalités d’exécution même d’une mission de service public cf. arrêt du CE « époux Grimouard » du 20 avril 1956.

- les contrats contenant des clauses exorbitantes du droit commun cf. arrêt du CE « société des granites porphyroïdes des Vosges » du 31 juillet 1912 Le critère de la clause exorbitante est volontariste et subjectif : ce sont les parties qui décident d’insérer ces clauses dans leur contrat.

- les contrats soumis à un régime exorbitant. Ce régime est prédéterminé par une loi ou un règlement qui encadre la procédure d’élaboration et le contenu du contrat cf. arrêt de section du CE « société d’exploitation électrique de la rivière du Sand » du 19 janvier 1973.


C/ les contrats entre deux personnes privées
En principe, un contrat entre deux personnes privées est privé. Il y a cependant à cela deux limites jurisprudentielles : les contrats passés au nom de l’Etat par une personne privée pour des travaux publics sur la voirie publique, et les contrats passés au nom et pour le compte d’une personne publique.
- les contrats passés au nom de l’Etat par une personne privée et ayant trait à des travaux publics sur la voirie publique cf. arrêt du TC « société établissement Peyrot » du 8 juillet 1963 : « la construction de la voirie publique relève d’une attribution naturelle de l’Etat ».

- les contrats passés au nom et pour le compte d’une personne publique par une personne privée cf. arrêt de section du CE « société d’équipement de la région montpelliéraine » du 30 mai 1975. Une des parties au contrat a en réalité agi au nom et pour le compte d’une personne publique, le contrat est donc administratif.



Section 2 Les règles de conclusion


§ 1 Existence, expression et qualité du consentement de l’administration


A/ absence du consentement
cf. arrêt de section du CE « OPHLM du Calvados » du 11 février 1972 Cela peut être un vice justifiant l’annulation du contrat.


B/ expression du consentement
Cela ne pose pas de problème en général pour l’Etat, mais pour les collectivités territoriales ou encore les établissements publics c’est plus délicat.


C/ vice du consentement
Les plus courants sont l’erreur sur le contenu du contrat ou sur la personne du cocontractant. Dans tous les cas, il faut que l’erreur soit déterminante et inexcusable.


D/ la sanction de l’absence ou du vice de consentement : la nullité du contrat administratif et l’illégalité des décisions administratives détachables de sa conclusion
- nullité. Elle doit être constatée dans le cadre d’un recours en déclaration de nullité par le juge du plein contentieux. Elle ne peut être demandée que par les parties au contrat cf. arrêt du CE « compagnie d’aménagement des coteaux de Gascogne » du 14 mars 1997.
Normalement on ne peut pas attaquer un contrat administratif en excès de pouvoir, mais il existe trois exceptions. Il existe ainsi le déféré préfectoral qui correspond à l’hypothèse où le préfet doute de la légalité d’actes ou de contrats d’une collectivité territoriale. La seconde exception concerne les clauses réglementaires d’un contrat cf. arrêt de section du CE « Cayzeele » du 10 juillet 1996 : lorsqu’un contrat confie à un tiers la gestion d’un service public il comporte des clause réglementaires et des clauses contractuelles/librement négociées. Les clauses réglementaires traitent des modalités d’organisation du service et traduisent donc la seule volonté de l’administration. Tout administré ayant un intérêt lui donnant qualité à agir peut attaquer ces clauses en excès de pouvoir dans le délai de deux mois suivant la publication du contrat. La dernière exception concerne les contrats de recrutement d’agents publics affectés à un spa cf. arrêt de section du CE « ville de Lisieux » du 30 octobre 1998 : un tiers à ce contrat, s’il y a un intérêt, peut attaquer ce contrat en excès de pouvoir dans le délai de deux mois après sa publication, et ainsi en obtenir l’annulation.

- détachabilité. Toute personne peut demander l’annulation pour excès de pouvoir d’un acte administratif détachable de la conclusion du contrat, ce qui correspond à trois hypothèses : la décision de signer le contrat, tous les actes autorisant la conclusion du contrat, l’approbation du contrat pour validité. La détachabilité joue également pour les contrats de droit privé passés par une personne publique.
Si l’annulation d’un acte détachable du contrat est due à des stipulations illégales elle emporte l’annulation du contrat. En revanche, si l’annulation pour excès de pouvoir résulte d’un vice propre de l’acte détachable il faut apprécier au cas par cas le degré de relation entre l’acte détachable annulé et le contrat cf. arrêt du CE « société le Yacht-club international de Borme les Mimosas » du 1er octobre 1993.
Pour être sûr de voir la décision d’annulation produire ses effets, l’administré peut demander au juge de l’excès de pouvoir qu’il prononce, a priori ou a posteriori, une astreinte ou une injonction cf. arrêt de section du CE « époux Lopez » du 7 octobre 1994.



§ 2 Procédure de passation du contrat administratif par l’administration


A/ l’absence d’exigences procédurales générales
En principe, il n’y a pas d’exigences procédurales générales. Pour des raisons de preuve, la grande majorité des contrats sont écrits, mais il existe de nombreux contrats passés de façon verbale.


B/ les exigences procédurales propres à certaines catégories de contrats
Pour limiter au maximum la marge de manœuvre de l’autorité politique, le législateur a imposé certaines exigences procédurales pour trois types de contrats.
- les marchés publics. Ce sont des contrats administratifs par détermination de la loi depuis 2001. Ils sont définis dans le Code des Marchés Publics. Un marché public est donc un contrat conclu à titre onéreux par les établissements publics administratifs nationaux, le collectivités territoriales, les établissements publics locaux, l’Etat, avec des personnes publiques ou privées, en matière de travaux, de fournitures ou de services. Il existe trois grandes procédures de conclusion. L’appel d’offre est la procédure de base : l’administration a un besoin dont elle présente les caractéristiques dans un appel public à la concurrence. Les candidats intéressés se manifestent en soumettant à l’administration leur proposition que la commission d’appel d’offre examine. L’administration doit conclure avec le candidat qui a été reconnu comme présentant l’offre la plus avantageuse économiquement. Il existe également la procédure du dialogue compétitif qui correspond à l’hypothèse où l’administration n’est pas en mesure de définir les moyens techniques qui répondront à ses besoins, ou pas en mesure d’établir le montage juridique ou financier du projet. La procédure négociée est uniquement mise en œuvre dans les cas fixés par le CMP, et constitue la libre négociation par l’administration.

- les contrats de partenariat cf. ordonnance du 17 juin 2004 C’est un mécanisme qui existe dans les pays anglo-saxons depuis les années 1970. Ce sont des contrats par lesquels une personne publique confie à un tiers pour une durée déterminée, en fonction de la durée d’amortissement de l’investissement ou des modalités de financement retenues, une mission globale relative au financement d’investissements immatériels, d’ouvrages ou d’équipements nécessaires aux services publics, à la construction ou à la transformation des ouvrages ou équipements, ainsi qu’à leur entretien, maintenance, exploitation et gestion.

- les délégations de service public cf. loi du 29 janvier 1993 et CGCT Il s’agit de contrats par lesquels une personne morale de droit public confie la gestion d’un service public dont elle a la responsabilité à un délégataire public ou privé, et dont la rémunération est substantiellement liée aux résultats de l’exploitation du service. Le choix du délégataire a un caractère discrétionnaire mais il doit intervenir après une procédure de publicité permettant la présentation de plusieurs offres concurrentes.



Section 3 Les modalités d’exécution


§ 1 Les prérogatives de l’administration : l’édiction de mesures d’exécution
du contrat


L’administration a le pouvoir d’édicter unilatéralement des mesures d’exécution du contrat, alors même qu’il n’y a pas de fondement contractuel à ce pouvoir.


A/ principales manifestations
- pouvoir de direction et de contrôle. Il autorise l’administration, toutes les fois où elle est engagée dans un contrat de DA, à vérifier que le cocontractant se comporte conformément aux clauses du contrat. Elle peut lui imposer de communiquer tous les renseignements pour assurer cette vérification. De même, elle peut lui imposer certaines modalités d’exécution du contrat qui n’étaient pas expressément prévues.

- pouvoir de sanction. Il ne peut être mis en œuvre qu’après une mise en demeure préalable. Il en existe trois manifestations ® sanctions pécuniaires. Elles reposent sur
des pénalités à caractère forfaitaire, ou des amendes, que l’administration peut imposer à son partenaire parce qu’il n’a pas exécuté ou a mal exécuté tout ou partie de ses obligations. Il faut une proportionnalité entre la gravité de la faute et le montant de la pénalité cf. arrêt du CE « Deplanque » du 31 mai 1907
® sanctions coercitives. Sans que le contrat soit rompu, l’administration peut, parce qu’elle est mécontente du comportement de son partenaire, lui substituer un tiers ou s’y substituer elle-même, aux frais et risques du partenaire défaillant ex : mise en régie (marchés publics), mise sous séquestre (concessions de service public)
® sanctions résolutoires. L’administration est mécontente car son cocontractant a gravement manqué à ses obligations contractuelles ou aux mesures d’exécution. Dans ce cas, elle a le pouvoir de prononcer unilatéralement la résiliation du contrat pour faute. Le juge apprécie la gravité de la faute par rapport à ses conséquences sur le fonctionnement du service et sur le caractère plus ou moins important de l’obligation. En principe, en cas de résiliation pour faute le cocontractant n’est pas recevable à demander réparation de son préjudice. En matière de concessions de service public, l’administration n’est en principe pas compétente pour prononcer la résiliation unilatérale du contrat. Elle doit demander la déchéance du concessionnaire au juge du contrat, sauf si les parties ont inclus dans le contrat une clause de résiliation unilatérale.

- pouvoir de modification unilatérale des conditions d’exécution du contrat cf. arrêt du CE « compagnie nouvelle du gaz de Déville et Rouen » du 10 janvier 1902 _ cf. arrêt du CE « compagnie générale française des tramways » du 11 mars 1910 Pour les besoins du service public et pour satisfaire l’intérêt général, l’administration peut modifier unilatéralement les conditions d’exécution du contrat, en contrepartie d’une réparation totale des charges que cela inclut pour le partenaire. C’est une règle de droit public fondamentale cf. arrêt du CE « union des transports régionaux et urbains » du 2 février 1983.

- pouvoir de résiliation unilatérale pour un motif d’intérêt général. Dans certains cas, lorsque ça n’est plus dans l’intérêt général, l’administration peut soit s’adresser au juge du contrat pour résilier le contrat, soit utiliser son pouvoir de résiliation unilatérale contre indemnisation du partenaire cf. arrêt d’assemblée du CE « distillerie de Magnac-Laval » du 2 mai 1958 _ ex de motifs d’intérêt général : abandon de projet, coût budgétaire, modification de la réglementation…


B/ examen de la légalité des mesures d’exécution du contrat
- irrecevabilité de principe du destinataire de la mesure d’exécution à en contester la légalité devant le juge du contrat. En effet, la mesure d’exécution est considérée comme n’étant pas détachable de l’exécution du contrat. Si la mesure est illégale et à l’origine d’un préjudice, le cocontractant peut seulement en demander réparation sur le terrain de la responsabilité contractuelle. Il existe cependant quatre cas de figure dans lesquels le destinataire pourra contester la régularité de la mesure d’exécution ® sur le terrain d’une concession de service public ou de travaux publics, la mesure
ayant pour objet d’y mettre fin
® toutes les mesures d’exécution des concessions de voirie
® contrat dont le contenu est prédéterminé par des textes législatifs ou réglementaires ex : contrats d’embauche d’agents publics
® mesures d’exécution d’une convention entre deux personnes publiques en vue de l’organisation d’un service public.

- recevabilité d’un tiers au contrat à contester la régularité d’une mesure d’exécution devant le juge de l’excès de pouvoir. Un tiers au contrat, dès lors qu’il démontre qu’il y a intérêt, peut demander l’annulation d’une mesure d’exécution au juge de l’excès de pouvoir car celle-ci est détachable du contrat e ce qui concerne ce tiers cf. arrêt du CE « SA de livraisons industrielles et commerciales » du 24 avril 1964.



§ 2 Les droits et obligations du cocontractant de l’administration


A/ les droits
- droit au paiement du prix convenu. Le cocontractant a le droit de demander et d’obtenir des acomptes = fraction du marché exécuté et des avances = anticipation sur ce qui sera dû.

- théorie du fait du prince. Elle se rencontre dans deux hypothèses ® une
personne publique autre que celle qui a conclu le contrat administratif, édicte une loi ou un acte administratif unilatéral qui a pour conséquence d’en aggraver les conditions d’exécution
® la personne publique contractante prend une mesure qui aggrave les conditions d’exécution du contrat mais en une qualité autre que celle de partie contractante.
Dans le premier cas, la jurisprudence considère que le droit à réparation par l’administration contractante n’est ouvert qu’en cas de bouleversement total de l’économie du contrat tel qu’il y a lieu d’appliquer la théorie de l’imprévision cf. arrêt du CE « ville de Toulon » du 4 mai 1949. Dans le deuxième cas, « le partenaire de l’administration ne pourra se retourner contre elle que si la mesure le frappe spécifiquement ».

- théorie de l’imprévision cf. arrêt du CE « compagnie générale d’éclairage de Bordeaux » du 30 mars 1916 Elle s’applique aux contrats de longue durée dont l’exécution satisfaisante est nécessaire au fonctionnement d’un service public. L’imprévision consiste en des évènements imprévisibles qui bouleversent totalement l’économie d’un tel contrat ex : circonstances économiques (hausse des prix), phénomène naturels (éruption volcanique, inondations violentes…), mesures édictées par les pouvoirs publics, sans être de nature à faire obstacle à l’entière exécution du contrat contrairement à la force majeure. Lorsque l’état d’imprévision est constaté, le cocontractant n’est pas libéré de ses obligations contractuelles mais il a droit à un soutien de l’administration pour faire évoluer à l’amiable le contrat et l’adapter à la situation. Si les deux parties n’arrivent pas à s’entendre, le partenaire peut demander à l’administration qu’elle lui verse une indemnité d’imprévision, au besoin en saisissant le JA qui en fixera le montant. Le soutien de l’administration a normalement un caractère provisoire puisqu’il s’agit de surmonter les évènements. Ainsi, si le bouleversement a un caractère définitif il y a lieu à résiliation unilatérale du contrat pour motif d’intérêt général cf. arrêt d’assemblée du CE « compagnie des tramways de Cherbourg » du 9 décembre 1932.


B/ les obligations
Elles sont très simples : exécuter scrupuleusement le contrat et ses mesures d’exécution. Le cocontractant ne peut jamais, même en vue de riposter à un comportement fautif de l’administration, user de l’exception d’inexécution. En revanche, l’administration peut, elle, si c’est dans son intérêt, l’utiliser.





TITRE II LES CONTROLES DE L’ACTION DE
L’ADMINISTRATION


Chapitre 1 Le contrôle non juridictionnel



Section 1 Les contrôles exercés par le Parlement


Ils sont exercés à travers l’audition des ministres par les organisations permanentes ou par les questions, ou par saisine du Parlement suite à des pétitions.



Section 2 Les contrôles exercés par l’administration elle-
même



§ 1 Les contrôles spontanés

Ils sont exercés par les corps de contrôle et les services d’inspection, ou par les autorités administratives indépendantes ex : CNIL (Commission Nationale Informatique et Libertés), médiateur de la République.


§ 2 Les contrôles sollicités : les recours administratifs préalables


Lorsque l’administration prend une décision, le recours en excès de pouvoir est ouvert pendant deux mois. Dans ce même délai, il est possible de former un recours administratif préalable qui, quelque soit son résultat, conserve l’intégralité du recours en excès de pouvoir. Il existe trois types de recours préalables. Le recours gracieux est formé auprès de l’auteur de l’acte pour retirer, abroger ou modifier l’acte. Le recours hiérarchique est formé auprès du supérieur hiérarchique s’il y en a un de l’auteur de l’acte. Le recours de tutelle n’est également possible que si tutelle il y a et si la loi autorise un tel recours.



Chapitre 2 Le contrôle juridictionnel



Section 1 Les différents types de recours juridictionnel


§ 1 Le contentieux de l’excès de pouvoir


A/ le recours en excès de pouvoir
C’est une voie de droit par laquelle est demandée au juge l’annulation d’un acte administratif en raison de l’illégalité dont il est entaché. Il s’agi d’un recours objectif car il répond à une question de droit objectif. Il n’est don possible d’invoquer que des moyens tirés de l’inobservation d’une norme objective.
L’annulation prononcée a un effet rétroactif mais le juge peut toutefois, dans l’intérêt de la justice, moduler dans le temps les effets de l’annulation cf. arrêt du CE « association AC ! » du 11 mai 2004. Cette annulation a également un effet erga omnes. En examinant l’acte attaqué, le juge de l’excès de pouvoir va se placer fictivement à la date d’édiction de cet acte afin de ne pas prendre en compte les possibles évolutions du droit.
En principe, le recours en excès de pouvoir est la voie de droit qui doit être utilisée par toute personne désirant faire annuler un acte administratif cf. arrêt d’assemblée du CE « dame Lamotte » du 17 février 1950, sauf dispositions contraires de la loi. Ce recours doit être formé dans les deux mois suivant la date de publication de l’acte.


B/ le recours en appréciation de validité
C’est un recours incident, et non principal, découlant d’une instance engagée devant le juge judiciaire qui estime nécessaire de poser une question de validité au JA par voie préjudicielle. Le but est d’obtenir un constat d’illégalité de l’acte en cause dont le JJ va se servir pour écarter l’acte illégal du règlement du litige. Cette déclaration a donc un effet relatif mais va constituer un précédent dont pourra par la suite se servir le JJ.
L’objet du recours en appréciation de validité porte sur tout acte, décisoire ou non, et contrat.


C/ le recours en déclaration d’inexistence
Eu égard à l’extrême gravité des vices l’affectant, une décision peut être déclarée inexistante, i.e. nulle et non avenue, et ce à tout moment et par le JJ comme par le JA. Il existe ainsi l’inexistence matérielle, qui consiste à inventer un acte qui n’existe pas, et l’inexistence juridique qui consiste en l’ignorance totale des fondements du DA.



§ 2 Le contentieux de la pleine juridiction (plein contentieux)


C’est un contentieux dans lequel le juge a le pouvoir, allant au-delà de l’annulation, de réexaminer la décision de l’administration et d’y substituer la sienne. Il s’agit ainsi d’un pouvoir de réformation par lequel le juge apprécie la légalité de l’acte en se plaçant à la date à laquelle il se prononce, et donc en tenant compte des évolutions du droit.
Le plein contentieux subjectif consiste en un recours tendant à faire reconnaître un droit subjectif. Le plein contentieux objectif met en jeu une question de droit purement objectif : il s’agit de toutes les hypothèses où une loi a imposé de former un recours de plein contentieux plutôt qu’un recours en excès de pouvoir ex : contentieux électoral, fiscal, des installations classées…
Le recours en interprétation se rattache au plein contentieux. Il s’agit d’un recours visant à obtenir du juge qu’il se prononce sur la signification précise, i.e. sur le contenu exact d’un texte acte unilatéral ou contrat. Ce recours peut être formé à titre incident ou principal.



§ 3 Le contentieux de la répression


C’est toutes les sanctions qui peuvent être prononcées par un juge, notamment concernant l’activité des juridictions disciplinaires ou encore les contentieux de contravention de grande voirie ex : atteinte à l’intégrité du domaine public non routier.



Section 2 Les vices susceptibles d’affecter la légalité d’un
acte administratif



§ 1 Vices susceptibles d’affecter la légalité externe d’un acte administratif


La légalité externe concerne la façon dont a été édicté l’acte administratif. Trois vices sont susceptibles de l’affecter : l’incompétence, le vice de procédure et le vice de forme. En principe, ces vices sont régularisables.


A/ l’incompétence de l’auteur de l’acte
C’est un vice qui est un moyen d’ordre public, i.e. peut être invoqué à n’importe quel moment de la procédure, y compris pour la première fois en appel voire en cassation. Il est également soulevable d’office par le juge à n’importe quel moment de la procédure.
On distingue trois types d’incompétence ® incompétence matérielle. Une autorité
administrative intervient dans une matière étrangère à ses attributions ex : ministre de la culture intervenant sur un terrain intéressant l’équipement
® incompétence territoriale. Une autorité administrative exerce ses fonctions alors qu’elle se trouve dans un lieu autre que celui où elle devrait normalement siéger, ou décide relativement à des affaires étrangères à son ressort territorial
® incompétence temporelle. Une autorité administrative prend des décisions alors qu’elle n’est plus ou pas encore investie.


B/ le vice substantiel de procédure
N’importe quel vice de procédure n’affecte pas la légalité d’un acte administratif puisqu’il existe des vices véniels = peu importants ou substantiels. Le vice substantiel de procédure résulte de la méconnaissance par l’auteur d’une des règles encadrant la procédure de son élaboration, et dont le respect doit garantir à la fois l’information de l’administration et les droits et intérêts des administrés ex : non respect de l’avis obligatoire _ NB : l’avis conforme relève de la compétence.


C/ le vice substantiel de forme
Les exigences de forme à respecter sont très peu nombreuses en DA. La loi peut cependant en imposer, les plus courantes étant le contreseing et la motivation obligatoire.



§ 2 Vices susceptibles d’affecter la légalité interne d’un acte administratif


A/ illégalité tenant au contenu de l’acte administratif : la violation directe de la loi
C’est la violation frontale d’un élément du bloc de légalité loi organique/ordinaire, règle constitutionnelle, PGD…


B/ illégalité tenant aux motifs de l’acte administratif
- erreur de droit. C’est le motif juridiquement erroné qui peut se rencontrer dans différents cas de figure : l’administration met en œuvre une norme inexistante ex : refus de promotion d’un magistrat par le Garde des Sceaux pour absence de mobilité, inapplicable à l’espèce, rattache les dispositions d’un acte à une norme illégale, ou rattache les dispositions d’un acte à une norme régulière et applicable mais mal interprétée par l’auteur de cet acte cf. arrêt du CE « Barrel » de 1953.

- inexactitude matérielle des faits cf. arrêt du CE « Camino » du 14 janvier 1916 Avant, le CE considérait qu’il n’était que le juge du droit. Aujourd’hui, il vérifie la matérialité des faits à l’origine de la décision qu’il examine.

- erreur de qualification juridique des faits. Le CE contrôle la qualification juridique des faits chaque fois qu’un texte subordonne l’exercice d’un pouvoir de l’administration à des données de faits ayant fait l’objet d’une certaine qualification. Le JA vérifie l’existence des faits et leur caractère effectif de nature à justifier la décision édictée cf. arrêt du CE « Gomel » du 4 avril 1914 : refus de permis de construire sur la place Beauvau car atteinte à la perspective monumentale (cf. loi du 13 juillet 1911) Þ la place Beauvau est-elle une perspective monumentale ? le permis de construire est-il de nature à y porter atteinte ?


C/ illégalité tenant au but de l’acte : le détournement de pouvoir
cf. arrêt du CE « Pariset » du 26 novembre 1875 La première hypothèse est la confusion entre intérêt général et intérêt financier, la seconde est la confusion entre l’intérêt privé de l’auteur de l’acte et l’intérêt général cf. arrêt du CE « Franpar ». Il existe également l’hypothèse de détournement de procédure.



Section 3 L’étendue du contrôle juridictionnel


§ 1 Pouvoir discrétionnaire et compétence liée


Le pouvoir discrétionnaire c’est lorsque l’administration a, dans une affaire donnée, la capacité d’apprécier en opportunité ce que le service de l’intérêt général recommande. Elle a donc le choix entre prendre une décision ou non, et si elle choisit de la prendre elle en décide le contenu. Normalement, un pouvoir discrétionnaire donne lieu à un contrôle restreint ex de pouvoir discrétionnaire : autorisation par le maire d’installation de terrasses de bars/restaurants sur le trottoir.
La compétence liée est une situation où une autorité administrative, en présence de circonstances particulières de fait ou de droit, doit agir dans un sens déterminé du fait d’un texte ou de la jurisprudence.


§ 2 Contrôle normal ou contrôle restreint de légalité


La question ne se pose que sur une hypothèse de pouvoir discrétionnaire. En principe, le contrôle est restreint, i.e. le juge limite ses champs d’investigation. Il va contrôler toute la légalité externe de l’acte mais va restreindre l’intensité de son contrôle sur la légalité interne exactitude matérielle des faits, erreur de droit, détournement de pouvoir et erreur manifeste d’appréciation et ne censurera que les erreurs manifestes. Il existe des hypothèses de contrôle hyper restreint où le JA se refuse à contrôler l’erreur manifeste d’appréciation ex : résultats de concours ou d’examen.
A côté de cela, le JA peut toujours décider que dans certaines hypothèses un contrôle restreint n’est pas suffisant, et qu’un contrôle normal est nécessaire. Dans ce cas, il développe le contrôle sur la légalité interne puisqu’il vérifie la pleine et entière exacte qualification des faits contrairement à la simple erreur manifeste d’appréciation dans le contrôle restreint. Il peut y avoir des contrôles maximums où le juge vérifie la proportionnalité/l’adéquation entre la mesure retenue et les faits ex : mesure de police administrative, déclaration d’utilité publique (cf. arrêt du CE « ville nouvelle Est » du 28 mai 1971.




TITRE III RESPONSABILITE
EXTRACONTRACTUELLE EN CAS DE DOMMAGE CAUSE PAR L’ACTION DE L’ADMINISTRATION




Jusqu’à l’arrêt « Blanco », les textes prévoient une indemnisation mais sans responsabilité de la puissance publique. « Blanco » met fin au principe d’irresponsabilité générale de l’Etat mais maintient l’irresponsabilité dans le cadre des activités de puissance publique. Ce reliquat est abandonné en 1905 cf. arrêt du CE « Tomaso Grecco » du 10 février 1905. Il ne s’agit cependant pas d’une responsabilité ordinaire, elle n’est ni générale ni absolue cf. formule autonomiste.



Chapitre 1 Responsabilité de l’administration du fait
du comportement de ses agents et responsabilité propre des agents



Section 1 Distinction de la faute de service et de la faute
personnelle de l’agent public



La question est de savoir si le fait est détachable ou non des fonctions de l’agent. La distinction remonte à l’abolition de la garantie des fonctionnaires septembre 1870 qui subordonnait à une autorisation du CE l’exercice d’une action tendant à mettre en jeu devant une juridiction judiciaire la responsabilité pénale ou civile de agents publics pour des faits relevant de leurs fonctions cf. arrêt du TC « Pelletier » du 30 juillet 1873 : « un agent public peut effectivement être poursuivi devant le judiciaire pour réparation d’un dommage mais uniquement si celui-ci trouve son origine dans une faute détachable de ses fonctions. En revanche, il n’est pas responsable lorsque le dommage trouve son origine dans une faute non détachable ».



Section 2 Caractérisation de la faute de service commise par
l’agent


La faute de l’agent public qui n’est pas détachable de l’exécution de ses fonctions constitue une faute de service, et l’auteur est totalement irresponsable. Ce n’est pas parce que l’agent public a commis une infraction pénale que celle-ci est synonyme de faute personnelle cf. arrêt du TC « Thépaz » du 14 janvier 1935. Ce n’est pas non plus parce qu’il y a voie de fait qu’il y a faute personnelle cf. arrêt du TC « société du journal L’Action Française » de 1935.



Section 3 Caractérisation et typologie des fautes
personnelles susceptibles d’être commises par un agent public



§ 1 Caractérisation : la faute personnelle, faute détachable de l’exécution-
même des fonctions confiées à l’agent


§ 2 Typologie


A/ faute commise lors de l’exécution de ses fonctions par l’agent, mais s’en détachant compte tenu de sa gravité (détachabilité intellectuelle)
cf. arrêt du CE « demoiselle Quesnel » du 21 avril 1935


B/ faute commise en-dehors de l’exécution de ses fonctions par l’agent public, mais non dépourvue de tout lien avec elle (détachabilité matérielle)
cf. arrêt du CE « demoiselle Mimer » du 18 novembre 1949


C/ faute totalement dépourvue de tout lien avec l’exécution de ses fonctions par l’agent public (détachabilité complète)
Il s’agit de l’intention maléfique ex : douanier en uniforme bien que pas en fonction, fait arrêter la voiture de la personne avec qui il a des différends, et la blesse mortellement avec son arme de service.



Section 4 La prise en charge par l’administration de la
réparation d’un dommage causé à un administré par la faute personnelle de ses agents


§ 1 Les solutions législatives : substitution de la responsabilité de
l’administration à celle de ses agents en cas de dispositions législatives transférant à la juridiction judiciaire la réparation de certains dommages


cf. loi du 5 avril 1937 : faute de surveillance d’un professeur de l’enseignement public
cf. loi du 31 décembre 1957 : dommage causé par un véhicule de l’administration conduit par un agent public


§ 2 Les solutions jurisprudentielles : cumul de fautes ou cumul de
responsabilités


A/ dommage causé à un administré par le concours d’une faute de service et de la faute personnelle d’un agent (cumul de fautes, droit d’option de la victime)
cf. arrêt du CE « Anguet » La victime peut poursuivre pour le tout soit l’administration, soit l’agent public.


B/ dommage causé à un administré par la seule faute personnelle d’un agent (cumul de responsabilités)
Cela correspond aux deux premières hypothèses de faute personnelle de l’agent. La victime a le droit de demander à l’administration de l’indemniser, ou directement à l’agent public.
Quelques fois il est difficile de savoir s’il s’agit d’une faute personnelle ou de service cf. arrêt du CE « Lemonnier » du 26 juillet 1918 : maire attaqué au pénal pour faute personnelle suite à une balle perdue d’un stand de tir forain ayant blessé Mme Lemonnier Þ au pénal : faute personnelle ; pour le CE : faute de service.



Section 5 Les droits et les obligations de l’administration à
l’égard de ses agents publics en cas de dommages causés à un administré


§ 1 Les droits


A/ émission d’un état exécutoire à l’encontre de l’agent public auteur d’une faute personnelle ayant causé un dommage direct à l’administration
C’est l’hypothèse de préjudice médiat selon laquelle l’agent public, dans le cadre d’une faute personnelle, a endommagé ou a mis hors d’usage un matériel de service ex : agent hospitalier détraquant un matériel en l’utilisant de manière très fantaisiste. Dans ce cas, l’administration peut se retourner contre cet agent public et émettre un état exécutoire cf. arrêt du CE « hôpital hospice d’Aulnay sur Odon » du 15 juillet 1964 afin que l’agent public la rembourse.


B/ exercice d’une action récursoire à l’encontre de l’agent public auteur d’une faute personnelle dont l’administration a dû assurer en tout ou partie la responsabilité
C’est l’hypothèse du dommage par ricochet dans laquelle l’administration n’est peut-être pas responsable ® faute personnelle constituant la cause exclusive du
dommage causé à l’administration. Initialement, la position du CE était qu’une personne publique qui a indemnisé la victime de la faute d’un de ses agents n’est pas recevable à se retourner contre lui cf. arrêt du CE « Poursines » du 28 mars 1924. Après la Seconde Guerre Mondiale, cette jurisprudence va être abandonnée cf. arrêt du CE « Laruelle » du 28 juillet 1951. L’administration est recevable à se retourner contre son agent et exiger un remboursement intégral des sommes versées à la victime cf. arrêt du TC « Moritz » du 26 mai 1954 : « alors même qu’est en cause une faute personnelle, c’est bien le JA qui est compétent pour connaître de l’opposition formée contre l’action récursoire exercée par l’administration »
® faute personnelle ayant conjugué ses effets avec une faute de service. L’administration a la possibilité d’exercer une action récursoire à hauteur de l’importance de la responsabilité de l’agent cf. arrêt du CE « Delville » du 28 juillet 1951. C’est à l’administration d’apprécier l’importance des fautes. Le plus souvent, la faute de service consiste en un défaut de surveillance
® précision : faute personnelle ayant pour auteur plusieurs agents. L’administration doit tenir compte des fautes respectives des agents et établir un tableau de pourcentage sur lequel se base pour envoyer des états récursoires à due proportion des fautes cf. arrêt de section du CE « Jeannier » du 22 mars 1957 : « l’agent est tenu à obligation pécuniaire dans l’exacte mesure où son acte a participé au dommage ».


§ 2 Les obligations


A/ remboursement total du montant de la réparation pécuniaire que l’agent public a été condamné par une juridiction judiciaire à verser à un administré victime d’une faute de service
Un agent public est personnellement irresponsable des fautes de service cf. arrêt du TC « Pelletier » de 1873 qu’il a pu commettre. Il n’est cependant pas exclu qu’il soit poursuivi devant une juridiction judiciaire par la victime pour cette faute qu’elle estime personnelle. L’agent a alors le droit, dans ce cas, de se retourner contre l’administration et demander la réparation totale des sommes qu’il a dû, à tort, verser cf. arrêt du CE « époux Lemonnier » du 17 juillet 1918. C’est un PGD cf. arrêt de section du CE « CHR de Besançon » du 26 avril 1963.


B/ remboursement partiel du montant de la réparation pécuniaire que l’agent public a été condamné par une juridiction judiciaire à verser à un administré victime d’une faute de service ayant combiné ses effets avec sa propre faute personnelle
L’administration doit rembourser à son agent la somme occasionnée par la faute de service cf. arrêt du CE « Delville ».




Chapitre 2 Les conditions d’engagement de la
responsabilité administrative extracontractuelle



Section 1 Les caractères du dommage


§ 1 La certitude


Comme en DC, on n’indemnise un préjudice causé par l’administration que s’il est certain, i.e. présente un degré suffisant de certitude. Il ne doit pas forcément être actuel et peut parfaitement être futur mais à un certain degré de certitude. En revanche, faute de certitude, tout préjudice éventuel ne donnera pas lieu à indemnisation. Une perte de chance n’ouvre droit à réparation que si elle est suffisamment sérieuse.


§ 2 Le caractère matériel comme moral


Les dommages matériels ont toujours été considérés comme réparables, mais les dommages moraux peuvent également donner droit à indemnisation bien qu’à l’origine ça n’ait pas été le cas ex : atteinte aux droits d’auteur cf. arrêt du CE « Sudre » du 3 avril 1966 _ ex : atteinte à la réputation d’une personne cf. arrêt de section du CE « demoiselle Artus » du 5 juillet 1957. Pendant très longtemps, le CE a refusé d’indemniser la souffrance physique et la douleur morale, mais a fini par l’admettre cf. arrêt d’assemblée du CE « Letisserand » du 24 novembre 1961 (douleur morale).


§ 3 Le caractère immédiat ou par ricochet


Le CE indemnise à la fois les victimes immédiates et les victimes par ricochet. Ces dernières doivent être atteintes par un ricochet matériel perte du bénéfice de l’aide matérielle que lui apportait la victime et/ou moral douleur morale provoquée par le décès ou la diminution physique d’un proche. Pendant longtemps, on estimait que seules les victimes par ricochet justifiant d’un lien de parenté ou d’alliance avec la victime immédiate pouvaient être indemnisées.


§ 4 Le caractère réparable (dommages insusceptibles de réparation)


Il existe en DA deux grandes hypothèses où l’administration bénéficie d’une immunité totale en matière d’indemnisation ® les servitudes d’urbanisme cf. art. L
160-5 du Code de l’urbanisme
® les refus de prendre certaines mesures à titre purement gracieux = bienfaisance administrative _ cf. arrêt du CE « ville de Tarbes » du 27 mars 1984.



Section 2 Le lien de causalité entre le fait de
l’administration et le dommage causé à l’administré


§ 1 La causalité adéquate


Le juge ne confond pas la cause d’un dommage et la condition nécessaire de sa survenance. Le JA n’admet donc pas la théorie de l’équivalence des conditions selon laquelle un fait est considéré comme la cause d’un dommage pour la simple raison qu’en son absence ce dommage ne se serait pas produit.
Selon la théorie de la causalité adéquate, la réalisation d’un dommage est attribuée à celui des faits dont on peut estimer, d’après le cours normal des choses, qu’il avait vocation à provoquer ce dommage cf. arrêt du CE « Lassaila » du 7 mars 1969 : moquette de cinéma maculée de goudron chaud déposé par les spectateurs du fait que la place était en cours de goudronnage Þ « conséquence directe des travaux car le passage par cette place constituait l’itinéraire normalement emprunté par de nombreux piétons ». Le fait qu’un délai important se soit écoulé avant la réalisation du dommage n’exclut pas qu’on reconnaisse la causalité directe cf. arrêt de section du CE « Banque Populaire de la région économique de Strasbourg » du 29 avril 1987 : vol à main armée commis par des détenus bénéficiant de mesures de sortie deux mois après leur non-retour à la prison.


§ 2 Les causes exonératoires


A/ faute de la victime
Lorsque, par son comportement, la victime a elle-même rendu le dommage inévitable ou l’aggravé, l’administration peut être exonérée en tout ou partie de sa responsabilité.


B/ force majeure
Il s’agit d’un événement extérieur au défendeur non imputable à ses activités ou à ses biens, imprévisible et dont les effets sont totalement irrésistibles/imparables ex : évènements naturels d’une violence exceptionnelle pratiquement sans précédent.


C/ fait du tiers
Ça peut être le fait d’une personne publique ou privée, mais le fait du tiers ne joue qu’en cas de responsabilité pour faute.


D/ cas fortuit
Comme la force majeure il est imprévisible et irrésistible, mais il n’est pas étranger au défendeur ex : accident mécanique dont la cause demeure totalement inconnue cf. arrêt du CE « Ambrosini » du 10 mai 1912.



Section 3 La prise en compte de la situation de la victime


§ 1 L’exception d’illégitimité


C’est le fait que la victime était dans une situation irrégulière/illégale. Elle ne peut alors pas demander à être indemnisée cf. affaire des paillotes corses.


§ 2 L’exception de précarité


C’est dans tous les cas où la victime sait que sa situation est éminemment précaire. Notamment, lorsque l’administration autorise l’occupation privative du domaine public, cette autorisation peut être retirée à tout moment. Dans ce genre de situation, l’administration peut tout à fait refuser d’indemniser l’administré.


§ 3 L’exception de risque accepté


Le dommage était raisonnablement prévisible puisque c’est l’hypothèse de la connaissance de cause.




Chapitre 3 La responsabilité administrative
extracontractuelle pour faute



En principe, la responsabilité extracontractuelle de l’administration se trouve engagée pour faute. La responsabilité sans faute de l’administration ne pourra donc être engagée qu’après avoir démontré l’impossibilité d’engager la responsabilité pour faute ex : l’absence d’édiction de mesures de police constitue-t-elle une carence illégale donc fautive ?
La faute de nature à engager la responsabilité de l’administration est une faute de service ou une faute personnelle de l’agent jugé susceptible de se rattacher par certains liens à l’action de l’administration. Il existe des cas où la faute simple est présumée, il suffit donc à l’administré de prouver le lien entre son dommage et la faute de l’administration.
Jusque dans les années 1990 existaient de nombreux domaines où étaient exigée une faute lourde. Depuis, son champ a été réduit et on assistera probablement, à terme, à sa disparition. Pourtant, la faute lourde constituait elle-même une avancée par rapport à l’exigence d’une faute d’une certaine gravité.


Section 1 Le principe : l’engagement de la responsabilité
extracontractuelle pour faute simple prouvée



Appréciation de la faute
La faute simple constitue un manquement aux obligations de service et est appréciée in concreto. C’est donc au cas par cas que le JA va se demander si le comportement de l’administration est ou non constitutif d’une faute, en tenant compte notamment du degré de difficulté de la mission, des circonstances de temps et de lieu. La notion de faute est donc éminemment contingente et relative.

Caractérisation de la faute
Des faits comme des actes peuvent être à l’origine d’une faute de service actes matériels ou juridiques, absence de tels actes. Une décision illégale peut être fictive et engager la responsabilité de l’administration, que la faute tienne à une illégalité interne ou externe ex : violation d’une réglementation interne ou communautaire _ cf. arrêt du CE « Arizona Tobacco Product » de 1922. Tout illégalité est fictive par nature, mais tout illégalité fictive n’est pas de nature à engager la responsabilité de l’administration cf. arrêt du CE « Prat-Flotes » du 15 juillet 1964. A contrario, si une décision est légale elle ne peut jamais être considérée comme fictive. Pour autant, elle peut être de nature à ouvrir droit à réparation sur le terrain de la responsabilité sans faute.
La faute de service peut avoir un caractère volontaire ex : édiction d’une décision administrative ou involontaire ex : maladresse de l’agent, positif ou résulter d’une abstention.

Etablissement de la faute
C’est à la victime de supporter la charge de la démonstration de la faute qu’elle allègue à l’encontre de l’administration. Cependant, du fait du caractère inquisitorial du contentieux administratif, le JA a un pouvoir d’instruction dont il peut se servir lorsque la victime ne détient pas la preuve mais dispose d’un commencement de preuve et que ses allégations en valent la peine. Le JA peut donc ainsi enjoindre l’administration de communiquer les documents qu’elle détient.


Section 2 Les exceptions : présomption de faute et faute
lourde



La présomption de faute est un problème de preuve, toujours en matière de faute simple. La faute lourde est une question de degré de gravité de la faute.


§ 1 La présomption de faute


Un certain nombre de contentieux fonctionnent sur ce principe : la charge de la preuve est inversée, i.e. c’est à l’administration de prouver qu’elle n’a pas commis de faute.


A/ en matière de contentieux de travaux publics
La notion de travaux publics est étroitement corrélée à celle d’ouvrages publics = ouvrages immobiliers, par nature ou par destination, résultats du travail de l’homme et non de la nature, quelle que soit l’importance de ce travail, affectés à l’usage direct du public ou à un service public. La victime du dommage est un usager de l’ouvrage public. Il s’agit de la théorie du défaut d’entretien normal présumé : l’administration est présumée ne pas avoir correctement entretenu l’ouvrage public source du dommage. Ainsi, si elle n’est pas en mesure de prouver qu’elle a bien entretenu l’ouvrage sa responsabilité est engagée. Seules la force majeure et la faute de la victime ont valeur exonératoire pas de fait du tiers ni de cas fortuit.


B/ en matière hospitalière
cf. arrêt du CE « Meier » du 23 février 1962 Lors de soins hospitaliers courants de caractère bénin prodigués par des infirmières ou des aides-soignantes, entraînant des conséquences dommageables inattendues, ces conséquences ne peuvent s’expliquer que par « une faute commise dans l’organisation et le fonctionnement du service », faute qui est présumée. Ce principe a été étendu aux actes médicaux proprement dits, ayant entraîné des conséquences anormales cf. arrêt du CE « Cohen » du 9 décembre 1988.


C/ dommage révélant une mauvaise organisation du service public
cf. arrêt du CE « époux Addichame » du 7 décembre 1984 : noyade d’un enfant dans une piscine municipale due à une absence suffisante de surveillance des bassins révélant une mauvaise organisation du service public _ cf. arrêt de section du CE « Ingremeau » du 19 octobre 1990 : un enfant pupille de l’Etat, en placement familial, cause un dommage à un autre enfant Þ défaut de surveillance révélant une mauvaise organisation du service public (en opposition avec l’arrêt du CE « GIE Axxa courtage » du 11 février 2005 : « la victime du dommage a le choix entre engager sans faute la responsabilité de la personne qui a la garde de l’enfant, ou engager sans faute la responsabilité de l’Etat ».


§ 2 La faute lourde


Dans le CC, toute faute, même légère, suffit à engager la responsabilité du fait personnel ou du fait d’autrui. Au contraire, quand le dommage est lié à certaines activités administratives, la responsabilité de l’administration ne peut se trouver engagée que s’il est prouvé qu’elle a commis une faute lourde. Dans certains cas, jusque dans les années 1960, on n’engageait la responsabilité de l’administration que si la faute était manifeste et d’une particulière gravité ex : hospitalisation de malades mentaux, dommages aux détenus…
On ne trouve pas en DA de fluidité de la notion de faute lourde : il n’y a pas de faute lourde dans l’absolu, seulement des fautes que le JA accorde au cas par cas de qualifier comme lourdes. Le plus souvent, la jurisprudence associe exigence de la faute lourde et difficulté des conditions d’exécution de l’activité. Le JA n’admet donc pas qu’une faute simple puisse engager la responsabilité de l’administration : la faute simple est excusable.
cf. arrêt d’assemblée du CE « époux V » du 10 avril 1992 L’exigence d’une faute lourde est maintenant abandonnée pour les dommages résultant d’actes médicaux, d’activités de secours 1997, d’assistance en mer et de sauvetage en mer 1998, et de lutte contre l’incendie 1998. Il semblerait également que cette exigence soit maintenant abandonnée en matière de service public pénitentiaire 2003.


A/ les activités matérielles des services de police administrative
NB : police administrative = maintien ou rétablissement de l’ordre public Initialement, les personnes publiques étaient jugées totalement irresponsables en matière de police administrative. C’est seulement en 1905 que cette irresponsabilité totale est abandonnée cf. arrêt du CE « Tomaso Grecco » du 10 février 1905. Dans les années 1950 cf. arrêt du CE « Amoudruz » du 23 mai 1958 s’est établie la distinction entre activité matérielle et activité juridique de la police administrative. En principe, on ne retient l’exigence de faute lourde que sur le terrain de l’activité matérielle activité juridique Þ faute simple. Cependant, cette distinction a des limites. En effet, il se peut qu’en cas d’activité juridique dont les conditions sont difficiles une faute lourde soit exigée cf. arrêt du CE « Marabou » de 1972, et inversement qu’en cas d’activité matérielle une faute simple suffise.


B/ les services fiscaux
Il s’agit de tous les dommages causés lors des procédures d’assiette et de recouvrement des impôts et des taxes. Initialement, il s’agissait d’un terrain d’irresponsabilité totale. En 1927, une faute d’une gravité exceptionnelle est exigée, pour être abandonnée au profit d’une faute manifeste et d’une particulière gravité, elle-même abandonnée pour la faute lourde en 1962 cf. arrêt de section du CE « dame Husson-Chiffre » du 21 décembre 1962. En 1990, comme pour la police le champ de la faute lourde est modulé selon les activités cf. arrêt de section du CE « Bourgeois » du 27 juillet 1990. La faute lourde n’est donc maintenant maintenue que « dans les seules espèces où le services fiscaux se sont effectivement heurtés à de réelles difficultés ».


C/ les services pénitentiaires
Dans un premier temps, l’irresponsabilité était totale. Ensuite on a exigé une faute manifeste et d’une particulière gravité, puis la faute lourde cf. arrêt de section du CE « Rakotoarinovy » du 3 octobre 1958. Aujourd’hui, la situation n’est pas claire cf. arrêt du CE « Mme Chabba » du 23 mai 2003 puisque la faute lourde est abandonnée en cas de suicide d’un détenu. La doctrine est divisée quant à savoir si le suicide du détenu est ou non une condition sine que non de l’abandon de la faute lourde. La situation restera floue tant que le CE ne rendra pas un autre arrêt en la matière, infirmant ou confirmant le premier.


D/ les activités de contrôle
Il s’agit de la tutelle qu’exerce l’Etat sur les établissements publics nationaux et locaux, les collectivités territoriales et toutes sortes d’organismes privés. Dans ces cas-là cf. arrêt d’assemblée du CE « Caisse Départementale d’Assurance Vieillesse de la Meurthe et Moselle » du 29 mars 1946, la responsabilité de l’Etat est engagée mais sur exigence d’une faute lourde cf. arrêt du CE « compagnie fermière du golf de Campoloro » de 2000.


E/ le fonctionnement du service public de la justice
- le service public de la justice judiciaire. La responsabilité de l’Etat ne peut être engagée pour son fonctionnement défectueux que dans deux cas : un déni de justice ou une faute lourde cf. loi de 1972 Þ art. L 790-1 du Code de l’Organisation Judiciaire. Seule la juridiction judiciaire peut retenir une telle faute. Cette exigence de faute lourde ne joue que pour le fondement des activités juridictionnelles et non pour le service public de la police judiciaire Þ faute simple.

- le service public de la justice administrative. Initialement, on s’est posé la question de savoir s’il fallait traiter la justice administrative en lui appliquant la disposition du COJ cf. arrêt d’assemblée du CE « Darmont » du 29 décembre 1978. Quand ce qui est contesté c’est l’exercice de la fonction juridictionnelle par le JA, la responsabilité de l’Etat ne peut être engagée que sur le terrain de la faute lourde. Cette solution n’est plus valable aujourd’hui puisque depuis 2002 une faute simple est suffisante cf. arrêt d’assemblée du CE « ministre de la justice contre Magiera » du 28 juin 2002. Tout défaut de fonctionnement de la justice administrative peut engager la responsabilité de l’Etat, à condition que le dommage ne résulte pas du contenu-même de la décision. Il subsiste tout de même des terrains d’irresponsabilité ex : actes de gouvernement.




Chapitre 4 La responsabilité administrative
extracontractuelle sans faute


Section 1 Caractères généraux


La victime n’a pas à apporter la preuve du caractère fautif du fait dommageable, et la preuve par l’administration qu’elle n’a commis aucune faute est considéré sans conséquence. Il s’agit donc d’une responsabilité objective, de plein droit, qui fonctionne à raison du préjudice causé.
Cette responsabilité sans faute est une responsabilité s’ordre public, qui peut donc être soulevée à tout moment de la procédure aussi bien en première instance qu’en appel, voire en cassation. Le juge peut également le soulever d’office. Seules la force majeure et la faute de la victime peuvent exonérer l’administration de sa responsabilité pas le fait d’un tiers ni le cas fortuit.


Section 2 Les deux grandes catégories de responsabilité
administrative extracontractuelle sans faute



§ 1 La responsabilité administrative extracontractuelle sans faute pour
risque


cf. arrêt du CE « Cames » du 18 juin 1895

A/ les choses, les méthodes, les situations dangereuses
- les choses dangereuses. On considère que lorsque les agents de l’administration utilisent des choses dangereuses, et que ces choses sont la cause d’un dommage, la victime a automatiquement droit à réparation cf. arrêt du CE « Regnault-Desroziers » du 28 mars 1919 (explosifs). Cela concerne les armes à feu, les ouvrages publics dangereux cf. arrêt d’assemblée du CE « Dalleau » du 6 juillet 1973 (éboulement).

- les méthodes dangereuses. Trois grands terrains : l’éducation surveillée, les malades mentaux et les détenus, pour lesquels on applique des méthodes libérales
® rééducation en milieu semi-ouvert. Il s’agit de mineurs délinquants soustraits à leurs parents et placés par le juge des enfants dans des institutions spécialisées cf. arrêt de section du CE « Thouzelier » du 3 février 1956. Ces mineurs, lorsqu’ils causent un dommage, entraînent la responsabilité de l’Etat cf. arrêt du CE « Garde des Sceaux contre MAIF » du 1er février 2006. La victime peut soit attaquer l’Etat pour responsabilité sans faute sur le terrain des méthodes dangereuses, soit attaquer l’institution (s’il s’agit d’une institution publique) car elle avait la garde au sens de l’art. 1384 al. 4 du CC
® malades mentaux cf. arrêt de section du CE « département de la Moselle » du 13 juillet 1967. Dans le cadre de leur thérapie, ils peuvent être autorisés à sortir. L’Etat est donc responsable en cas de dommage
® détenus : idem
® hôpitaux cf. arrêt de la CAA de Lyon « consorts Gomez » du 21 janvier 1990 (mise en œuvre d’une méthode chirurgicale nouvelle). Les conséquences dommageables directes d’une méthode chirurgicale nouvelle dont le recours n’est pas imposé par des raisons vitales, ont un caractère exceptionnel et anormalement grave. L’administration voit alors sa responsabilité engagée cf. arrêt d’assemblée du CE « Bianchi » du 9 avril 1993. La responsabilité sans faute d’un hôpital peut être engagée du fait d’un acte médical nécessaire au diagnostic ou au traitement médical du malade, si cet acte présente un risque dont l’existence est connue mais dont la réalisation est exceptionnelle, s’il n’y a aucune raison de penser que le patient y soit particulièrement exposé, et si l’exécution de cet acte est directement à l’origine du dommage d’un extrême gravité, sans rapport avec l’Etat du patient ou son évolution prévisible.

- les situations dangereuses. Ce sont des situations où un agent de l’administration a été exposé en connaissance de cause à un danger qui s’est réalisé cf. arrêt du CE « Perruche » du 19 janvier 1962 _ cf. arrêt du CE « dame Saulze » du 6 novembre 1968.


B/ les collaborateurs occasionnels au service public
C’est l’hypothèse où une personne apporte son concours à l’administration cf. arrêt d’assemblée du CE « commune de St Prieste la Plaine » du 22 novembre 1946. La responsabilité est engagée si la victime a participé à un service public cf. arrêt de section du CE « commune de Batz sur mer » du 25 septembre 1970, y a apporté une collaboration effective, i.e. directe et réelle, et qu’elle ait été requise, sollicitée ou qu’elle se soit proposée sauf cas d’urgence _ cf. arrêt de la chambre civile « Trésor Public contre Giry » du 23 novembre 1956.


C/ les tiers à un ouvrage public
C’est l’hypothèse d’un accident de travaux publics, potentiellement susceptible de concerner le participant à une opération de travaux publics qui ne pourra obtenir réparation que sur le terrain de la faute prouvée, un usager qui obtient réparation grâce à la présomption de faute de l’administration, et un tiers non utilisateur de l’ouvrage. Ce dernier a droit à indemnisation sur le terrain de la responsabilité sans faute.
Il existe en outre des hypothèses où une dissociation est faite entre la qualité de tiers extérieur à l’ouvrage public et celle de tiers installé au sein de l’ouvrage public ex : les employés d’un service public ne sont pas usagers de ce service public mais sont usagers des locaux, donc de l’ouvrage public.


D/ les dommages provoqués lors d’un attroupement ou d’un rassemblement
A l’origine, une loi de vendémiaire an IV indiquait que dans le cas de ces dommages, la commune où ils s’étaient produits devait indemniser la victime. Le JJ était compétent. C’était destiné à punir les communes agitées. En 1983, les communes sont toujours responsables sans faute mais devant le JA. En 1986, la responsabilité des communes a été abandonnée au profit de celle de l‘Etat sur le terrain de la responsabilité sans faute cf. art. L 2216-3 du CGCT.
Trois conditions cumulatives sont exigées ® les dommages dont la réparation est
réclamée doivent être en relation avec le comportement d’un attroupement ou d’un rassemblement
® les manifestants doivent s’être livrés à des actes de violences qualifiables de crimes ou délits
® les dommages doivent être en relation directe et certaine avec le comportement des manifestants.
Il y a lieu à responsabilité sans faute de l’Etat si ces trois conditions sont réunies, que la manifestation ait eu lieu sur la voie publique ou dans des lieux privés. Il est également indifférent que la victime soit un particulier, une personne morale de droit privé ou une personne publique, et que la victime ait ou non été étrangère au rassemblement.


§ 2 La responsabilité administrative extracontractuelle sans faute pour
rupture d’égalité devant les charges publiques


cf. arrêt du CE « Couitéas » du 30 novembre 1923. Pour être réparé, il faut que le dommage soit anormal et spécial nombre limité de victimes.

A/ les dommages non accidentels de travaux publics
= dommages permanents de travaux publics Dans cette hypothèse, une victime se plaint d’un trouble de voisinage occasionné par un ouvrage public ou un chantier de travaux publics cf. arrêt du CE « commune de Vic Fezensac » du 24 juillet 1931. Si le dommage occasionné est anormal et spécial, la victime peut obtenir réparation sur le terrain de la responsabilité sans faute. Il peut s’agir d’un préjudice commercial, de troubles de jouissance, de la dépréciation de la valeur des immeubles.
Par exception, des dommages permanents peuvent être réparés alors même qu’ils sont sans lien avec des travaux publics, mais dans ce cas la victime doit non seulement démontrer l’anormalité et la spécialité du dommage, mais également qu’elle a la qualité de tiers par rapport à la voirie.


B/ la responsabilité du fait des décisions administratives régulières
- responsabilité du fait d’une décision individuelle cf. arrêt du CE « Couitéas » du 30 novembre 1923. C’est le refus de concours de la force publique à faire exécuter une décision de justice ex : refus d’expulser des grévistes sur le tas.

- responsabilité du fait d’une décision réglementaire cf. arrêt du CE « commune de Gavarnie » du 22 février 1963. Le dommage doit également être anormal et spécial.


C/ la responsabilité du fait des lois
cf. arrêt d’assemblée du CE « société des produits Lafleurette » du 14 janvier 1938 : le Parlement avait décidé par une loi d’interdire de remplacer la crème naturelle par tout produit ne provenant pas exclusivement du lait. Cela ne concernait qu’une seule société (Lafleurette) Þ préjudice anormal et spécial causé par une loi Þ indemnisation de la société par l’Etat. Ce régime ne joue que s’il résulte de la loi un préjudice anormal et spécial, et si le législateur n’avait pas écarté la possibilité d’une indemnisation ex d’application : protection d’espèces animales. Le problème a rebondi récemment cf. arrêt d’assemblée du CE « Gardedieu » du 8 février 2007 (conséquences dommageables d’une loi de validation) : il y a désormais deux branches dans la responsabilité de l’Etat législateur® responsabilité sans faute reposant sur la rupture d’égalité devant le
service public mais exigeant que le dommage soit anormal et spécial cf. arrêt « Lafleurette » _ réparation partielle
® dans l’hypothèse où la loi est inconventionnelle i.e. contraire à une norme de droit international, la victime peut demander la réparation de l’intégralité de son préjudice.
Ce revirement de jurisprudence est dû à la pression depuis les années 1990 de la CJCE, saisie à plusieurs reprises de questions préjudicielles par la CEDH dans ce domaine.


D/ la responsabilité du fait des conventions internationales
Après avoir admis que l’Etat législateur puisse être à l’origine d’un dommage, on peut tout à fait admettre que dans ses relations internationales l’Etat puisse également être à l’origine d’un dommage cf. arrêt d’assemblée du CE « compagnie générale d’énergie radio-électrique » du 30 mars 1966. Lorsqu’une convention internationale crée un dommage anormal et spécial à un ressortissant français, si elle n’a pas exclu l’idée de réparation, la réparation partielle est possible en principe.




[FIN]