L2 Droit Pénal, 2e semestre, cours de M. Philippe Pouget
PARTIE II DESCRIPTION DE L'INFRACTION.TITRE 1 L'élément matériel de l'infraction
Chapitre 1 - La répression de l'infraction consommée
Section 1 - Contenu de l'acte matériel d'exécution
§ 1 - La commission
§ 2 - L'omission
Section 2 - Durée de l'acte d'exécution
§ 1 - Le critère de distinction
A) La distinction principale
B) Les sous-distinctions.
§ 2 - Les intérêts de la distinction
A)RégIes de fond
B) RégIes de forme
Section 3 - Résultat de l'acte d'exécution
§ 1 - L'infraction formelle
A) Définition
B) Régime
§ 2 - L'infraction matérielle
A)Contenu du résultat
B) Rôle du résultat
Chapitre 2 - La répression de l'infraction tentée
Section 1 ~ L'élément matériel de la tentative
§ 1 - La notion de commencement d'exécution
A) Ce qu'il n'est pas
B) Désaccord quant à son contenu
§ 2 - Les solutions jurisprudentielles
A)Les critères retenus par la jurisprudence
B) Mise en oeuvre des critères
Section 2 - L'élément moral de la tentative
§ 1 - Le désistement volontaire
A) Un désistement volontaire
B) Un désistement effectué à temps
§ 2 - Les circonstances indépendantes de la volonté de l'agent
A) L'infraction interrompue
B)L'infraction manquée
C) L'infraction impossible
Section 3 - Répression de la tentative
TITRE 2 L'élément moral de l'infraction . "
Chapitre 1 - La culpabilité
Section 1 - La faute intentionnelle
§ 1 Les éléments communs
§ '2 Les éléments propres à certaines infractions
Section 2 - La faute de mise en danger délibérée
§ 1 La faute de mise en danger: élément moral d'une infraction autonome
§ 2 La faute de mise en danger : circonstance aggravante de certaines infractions
Section 3 - La faute non intentionnelle
§ 1 Notion de faute non intentionnelle
A) La faute simple
B) Les fautes qualifiées
§ 2 Le lien de causalité
A) Causalité certaine
B) Causalité directe et causalité indirecte
Section 4 - La faute contraventionnelle
Chapitre 2 - L'imputabilité
LIVRE II
LE DELINQUANT
TITRE 1 - Les personnes pénalement responsables
Chapitre 1 - Responsabilité des personnes physiques
Section 1 - La complicité
§ 1 Les conditions de la complicité
A) Conditions tenant au fait principal
1- Nature du fait principal
2- Caractères du fait principal
B) Conditions tenant au fait de complicité
1- Elément matériel de la complicité
2- Elément moral de la complicité
§ 2 Répression de la complicité
A) La sanction de la complicité
B) Les autres moyens pour sanctionner la complicité
Section 2 - La responsabilité pénale du fait d'autrui
§ 1 Responsabilité non pénale du fait d'autrui
§ 2 Responsabilité pénale du fait d'autrui
Chapitre 2 - Responsabilité pénale des personnes morales
Section 1 - Domaine de la responsabilité des P. M.
§ 1 Domaine quant aux P .M. pénalement responsables
A) P. M. dont la responsabilité peut-être engagée
B) P. M. dont la responsabilité ne peut pas être engagée
§ 2 Domaine quant aux infractions imputables
A)La solution retenue par le code pénal
B) La solution nouvelle
Section 2 - Mise en oeuvre de la responsabilité pénale
§ 1 Conditions de la responsabilité pénale des P. M.
A)Nécessité d'une infraction commise par un organe ou représentant
B) Nécessité d'une infraction commise "pour le compte" de la P. M.
§ 2 Nature de la responsabilité pénale des P. M.
A)Ce n'est ni une responsabilité directe, ni une responsabilité autonome
B) C'est une responsabilité pénale par représentation
Section 3 - Exercice de la répression
§ 1 Le possible cumul des poursuites
A) La solution de principe
B) La solution particulière
§ 2 Les. peines encourues
TITRE 2 ~ Les causes d'irresponsabilité
Chapitre 1 - Les causes subjectives d'irresponsabilité
Section 1 - La minorité
§ 1 Les mineurs de moins de 10 ans
A) Les moins de 10 ans non discernants
B) Les moins de 10 ans discernants
§2 Les mineurs de plus de 10 ans
A)Les 10/13 ans
B) Les 13/18 ans
Section 2 - Le trouble psychique
§ 1 La notion de trouble psychique
A) Domaine
B) Constatation
§2 Les effets du trouble psychique
A)Responsabilité pénale
B) Responsabilité civile
Section 3 - La contrainte
§ 1 La contrainte physique
A)Hypothèses
B) Conditions
§2 La contrainte morale
A)Contrainte morale externe
B) Contrainte morale interne
Section 4 - L'erreur
§ 1 L'erreur de fait
A) Dans les infractions intentionnelles
B) Dans les infractions non intentionnelles
§2 L'erreur de droit
A) Reconnaissance de l'erreur de droit
B) Conditions
Chapitre 2 - Les causes objectives d'irresponsabilité
Section 1 - Ordre de la loi et commandement de l'autorité légitime
§ 1 Ordre de la loi
A) Domaine
B) Limites
§2 Commandement de l'autorité
A)Nécessité d'une autorité légitime
B) Légalité du commandement
Section 2 - La légitime défense
§ 1 Conditions
A)L'agression justificative
B) La défense justifiée
§2 Preuve de la légitime défense
A)art 122-5 CP
B) art 122-6 CP
Section 3 - L'état de nécessité
§ 1 La reconnaissance de l'état de nécessité
A)Etat de nécessité et institutions voisines
B) L'admission de l'état de nécessité
§2 Les conditions de l'état de nécessité
A)La situation de nécessité
B) L’infraction nécessaire
Section 4 - Le consentement de la victime
§ 1 Ce n'est pas une cause d’irresponsabilité
A) Principe
B) Fausses exceptions
§2 Prise en compte du consentement
A) Domaine d'efficacité du consentement
B) Conditions d'efficacité du consentement
PARTIE II DESCRIPTION DE L’INFRACTION
TITRE II L’ELEMENT MORAL DE L’INFRACTION
Chapitre 1 La culpabilité
Section 1 La faute intentionnelle
En présence d’une infraction, il est nécessaire de savoir la nature de son élément moral. En vertu du principe de légalité, c’est le législateur qui le fixe pour chaque infraction.
f. art. 121-3 Tous les crimes sont des fautes intentionnelles, il n’y a pas de crime d’imprudence/non intentionnel ce qui s’explique par la sévérité de la répression ex : l’homicide involontaire est un délit. Le principe pour les délits est qu’ils soient également intentionnels, mais la règle connaît des exceptions puisqu’il existe des délits non intentionnels ou de mise en danger. Lorsque le législateur désire qu’un délit soit non intentionnel ou de mise en danger, il doit le dire expressément dans le texte d’incrimination ex : homicide involontaire : art. 221-6. Lorsque la loi ne dit rien, le délit est intentionnel. Les contraventions sont en principe des infractions non intentionnelles mais le pouvoir exécutif peut vouloir que des contraventions nécessitent une faute intentionnelle, dans ce cas il doit le spécifier explicitement dans le texte d’incrimination ex : blessures volontaires : art. R 625-1. La faute intentionnelle est donc l’élément moral qui est requis pour les infractions les plus graves.
Il est important de définir l’intention dans le cadre de la preuve, cependant le législateur n’en donne pas de définition. C’est donc la doctrine et la jurisprudence qui s’y sont attelées.
§ 1 Les éléments communs à toutes les infractions intentionnelles
A/ exigence d’un dol général
- contenu/définition du dol général. En DP, le dol est l’intention. Le dol général peut être considéré comme l’intention minimum/de base requise en matière d’infraction intentionnelle. Pour certaines, le dol général est non seulement nécessaire mais également insuffisant, mais de manière générale la preuve du dol général est nécessaire mais pas suffisant. Le dol général est donc la conscience et la volonté de commettre l’infraction telle qu’elle est prévue par la loi. ® la conscience. Ce
qu’elle désigne c’est la connaissance qu’a l’agent du texte d’incrimination. La preuve n’aura pas à être faite par le ministère public car « nul n’est sensé ignorer la loi ». Cette présomption de connaissance de la loi est une fiction car bien évidemment personne ne connaît chacune des 10000 infractions qui existent en droit français. Cependant c’est une fiction nécessaire car sans cette présomption il faudrait prouver que l’individu avait connaissance de la loi, ce qui est impossible. Cette présomption a connu une évolution ces dernières années. Pendant longtemps elle était absolue/irréfragable, mais le CP de 1992 a retenu une nouvelle cause d’impunité qu’est l’erreur de droit. Dans certains cas, celle-ci pourra permettre d’échapper à la répression pénale mais les cas sont rarissimes
® la volonté. Il s’agit de démontrer que malgré la connaissance du caractère illicite de l’acte l’agent a eu la volonté d’agir et de faire ce que la loi interdit. L’agent a donc voulu obtenir le résultat dommageable. C’est à ce niveau que se situe la distinction fondamentale entre faute intentionnelle et faute non intentionnelle. Cette volonté doit en principe être prouvée par l’accusation ex : pour le vol, il faut prouver que l’agent a bien eu la volonté de prendre une chose dont il savait qu’elle appartenait à autrui, et sans le consentement de cet autrui mais elle est parfois facilitée.
- preuve du dol général. En matière pénale, il existe un principe fondamental qu’est la présomption d’innocence : toute personne accusée d’une infraction pénale est présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité ait été légalement établie. Ce principe a des conséquences au niveau de la charge de la preuve : c’est l’accusation qui doit prouver qu’une personne a commis une infraction, et non à cette personne de prouver qu’elle n’a pas commis cette infraction. L’accusation doit donc prouver l’élément matériel et l’élément moral = la volonté. Mais on se rend compte que dans un certain nombre de cas l’accusation va être dispensée de la preuve de cet élément moral car il va exister des présomptions de faute/culpabilité. Ces dernières sont de deux types : présomptions légales et présomptions de fait ® présomptions légales. Pour certaines
infractions intentionnelles la loi présume que l’agent a volontairement commis l’infraction ex : l’art. 225-6 répute proxénète l’individu qui, tout en vivant avec une personne qui se livre habituellement à la prostitution, ne peut justifier de ressources correspondant à son train de vie. Ce mécanisme a été généralisé avec la loi du 23 janvier 2006 qui a créé l’art. 321-6 (75000€ d’amende et trois ans d’emprisonnement sont encourus par toute personne vivant avec une personne ayant l’habitude de commettre des crimes et délits, et ne pouvant pas justifier de ressources correspondant à son train de vie) _ ex : l’art. 416 du Code des douanes présume que les marchandises saisies en France sans titre de circulation ont été introduites frauduleusement. Ces présomptions ont une conséquence importante puisqu’elles aboutissent à un renversement de la charge de la preuve : c’est à la personne poursuivie, si elle veut échapper à la répression pénale, de prouver qu’elle n’a pas eu d’intention criminelle. Cette situation est directement en contradiction avec la présomption d’innocence, d’autant que celle-ci a à la fois une valeur internationale et constitutionnelle cf. art. 6 § 2 de la CESDHLF et art. 9 de la DDHC de 1789. La CEDH a été saisie mais a considéré que ces présomptions de culpabilité n’étaient pas contraires à la présomption d’innocence car elles n’ont pas de force irréfragable cf. arrêt « Salabiaku contre France » du 7 octobre 1988. Le Conseil constitutionnel a rendu une décision dans le même sens cf. décision du 16 juin 1999. Malgré tout, ces présomptions de culpabilité ne sont pas satisfaisantes, c’est pourquoi dans la mesure du possible le législateur a essayé d’en supprimer certaines ex : abandon de famille : art. 227-3 _ cf. arrêt du 28 juin 1995
® présomptions de fait. Elles émanent de la jurisprudence. S’il veut condamner une personne pour avoir commis une infraction, le juge doit caractériser l’infraction dans tous ces éléments. Or, on se rend compte que dans un certain nombre de cas le juge présume l’intention coupable de l’agent à partir des faits matériels de l’espèce. Ces présomptions de fait sont finalement très nombreuses dans la jurisprudence ex : recel : bien souvent, le juge va présumer la connaissance de l’origine frauduleuse de la chose à partir des faits de l’espèce. Le juge sera d’autant plus enclin à utiliser ces présomptions qu’il sera en présence de professionnels cf. arrêt de la chambre criminelle du 5 mai 1986. Ces présomptions de fait sont difficiles à éviter pour le juge pour deux raisons : pour un certain nombre d’infractions intentionnelles on se rend compte que du fait de leur structure l’élément moral est en quelque sorte impliqué par l’élément matériel ex : escroquerie : art. 313-1 ; l’intention renvoie à la psychologie de l’agent ce qui serait très difficile pour ce qui est de la preuve. Elles sont malgré tout critiquables car elles vont en quelque sorte aboutir à la disparition de l’élément moral cf. arrêt de la chambre criminelle du 25 mai 1994« la seule constatation de la violation en connaissance de cause d’une prescription légale ou réglementaire implique de la part de son auteur l’intention coupable exigée par l’art. 121-3 » : le seul fait d’avoir matériellement accompli ce qui était interdit permet de déduire l’intention coupable de l’agent. On aboutit à une situation paradoxale : dans certains cas il va être plus facile de faire la preuve d’une infraction intentionnelle que d’une infraction non intentionnelle, alors que les premières sont punies plus sévèrement que les deuxièmes.
B/ l’indifférence quant aux mobiles
Les mobiles peuvent être définis comme les données morales ou psychologiques qui entourent la commission d’une infraction et qui peuvent expliquer les raisons de celle-ci. Lorsqu’on s’intéresse à la culpabilité d’une personne il ne faut jamais prendre en compte ses mobiles.
- principe de non prise en compte des mobiles. Lorsqu’on s’intéresse à la culpabilité d’une personne il faut uniquement prendre en compte son intention criminelle. Pour une infraction donnée, l’intention criminelle est invariable, tandis que les mobiles varient d’un individu à l’autre. La distinction est importante car parfois il y a la tentation de faire intervenir le mobile au stade de la culpabilité : lorsqu’une infraction a été commise pour un motif noble ou désintéressé ex : euthanasie. Cette confusion est cependant parfois faite en DP, notamment devant les Cours d’assises du fait de l’intervention du jury populaire, ce qui peut conduire à des solutions aberrantes cf. affaire Cailleau : il y a eu meurtre mais la personne a été acquittée du fait de la confusion par les jurés entre intention criminelle et mobile.
- prise en compte des mobiles. Les mobiles jouent un rôle en DP, soit du fait du législateur, soit du fait du juge ® du fait du législateur. Pour certaines infractions il
fait intervenir le mobile au niveau de l’intention de l’agent. Dans ces cas, l’individu n’est punissable que s’il a agi pour une raison précise que la loi énonce. Ici, le mobile est donc un élément de la faute intentionnelle, c’est l’hypothèse du dol spécial
® du fait du juge. Le juge va tenir compte du mobile lorsqu’il s’agira de déterminer la peine applicable au délinquant ex : un meurtre crapuleux sera plus sévèrement puni qu’une euthanasie.
§ 2 Les éléments propres à certaines infractions intentionnelles
L’intention requise en matière d’infraction intentionnelle peut varier et prendre des formes différentes.
A/ le dol spécial
C’est l’hypothèse où la loi exige que l’agent ait agi avec une intention particulière. Il faudra donc dans ce cas prouver cette raison précise pour démontrer la culpabilité de l’individu ex : abus de biens sociaux : le dol général est qu’un dirigeant fasse un acte contraire à l’intérêt de la société, le dol spécial est que cet acte doive avoir été fait dans un intérêt personnel. Comme pour le dol général, il existe également pour le dol spécial des présomptions de fait ex : dans le cadre des abus de biens sociaux, en cas de prélèvements occultes sur l’argent de la société le juge présume que cet argent a été détourné dans l’intérêt du dirigeant.
Au niveau de l’intention, il y a donc deux types d’infractions intentionnelles : les infractions pour lesquelles la preuve du dol général est à la fois nécessaire et suffisante, et les infractions qui nécessitent la preuve du dol général et du dol spécial. Toute la difficulté va être de répartir les infractions intentionnelles entre ces deux catégories. Dans certains cas il n’y a pas de problème car c’est la loi qui, de manière expresse, fait référence à l’exigence du dol spécial ex : abus de biens sociaux, délit de fuite. Mais les solutions se compliquent dans la mesure où on considère que certaines infractions intentionnelles comportent un dol spécial même en l’absence de toute précision expresse de la loi en ce sens. Dans ce cas, l’exigence d’un dol spécial résulte de façon implicite de la structure-même de l’infraction. Le problème est que tout le monde n’est pas d’accord pour dire quelles sont ces infractions ex : dans le cas u vol, dès le XIXe siècle la jurisprudence s’est accordée à dire que le dol spécial était constitué par la volonté d’appropriation définitive de la chose volée. Le problème s’est posé avec le développement des vols d’usage : le dol spécial a alors été défini comme la volonté de se comporter, même momentanément, comme le propriétaire de la chose volée. On pourrait croire à de simples discussions théoriques sans grand enjeu pratique, mais cela n’est pas le cas cf. affaire du sang contaminé : décès de plusieurs personnes hémophiles à qui on a transfusé du sang contaminé par le sida _ jugement au TGI de Paris le 23 octobre 1992, arrêt de la chambre criminelle le 18 juin 2003 _ cf. art. 221-5 « l’empoisonnement est le fait d’attenter à la vie d’autrui par l’emploi ou l’administration de substances de nature à provoquer la mort » donc le dol général est la volonté d’administrer un produit en sachant qu’il est mortel (conscience homicide) Þ à partir d’une certaine date, certaines personnes savaient que le sang été contaminé par le virus du SIDA. Mais le dol spécial consiste en l’intention de tuer Þ aucun des protagonistes de cette affaire n’a agi en ce sens (raisons économiques), il n’y a donc pas eu empoisonnement. Selon qu’on raisonne en termes de dol général ou de dol spécial, la solution de l’affaire peut être différente cf. arrêt de la chambre criminelle « seuls les médecins prescripteurs pouvaient être poursuivis pour crime d’empoisonnement. Ils ne peuvent pas être condamnés pour empoisonnement car la preuve n’est pas établie qu’ils aient eu connaissance du caractère nécessairement mortifère des lots de sang » Þ rejet de la condamnation en se plaçant sur le terrain du dol général. « Le crime d’empoisonnement ne peut être caractérisé que si l’auteur a agi avec l’intention de donner la mort, élément moral commun à l’empoisonnement et au crime d’atteinte volontaire à la vie de la personne » Þ reconnaissance de l’existence du dol spécial de l’empoisonnement _ NB : la solution a été dans le même sens dans l’arrêt de la chambre criminelle du 2 juillet 1998 (individu porteur du virus du SIDA ayant eu des relations sexuelles sans protection avec une personne et sans lui dire).
B/ le dol aggravé
On tient compte ici de l’intensité avec laquelle l’agent a voulu produire le résultat interdit par la loi. En règle générale, l’intention qui est visée par la loi est immédiate et spontanée ex : vol, meurtre… Dans ce cas, on parle de dol simple. Mais dans certains cas, l’intention criminelle de l’agent peut être plus fortement ancrée chez l’individu ex : préméditation = « le dessein formé avant l’action de commettre un crime ou un délit déterminé » (cf. art. 132-72). On parle alors de dol aggravé. Pour certaines infractions, la préméditation va faire encourir des peines plus lourdes cf. atteintes volontaires à la vie et à l’intégrité de la personne ex : assassinat (cf. art. 221-3), empoisonnement (cf. art. 221-5 al. 3), violences volontaires (cf. art. 222-12 9°). Il y a d’autres circonstances, toujours liées à l’intention, que la préméditation qui entraînent l’aggravation de la sanction : la commission de certaines infractions avec une intention particulière ex : infractions pour mobile raciste (cf. art. 132-76), homophobe (cf. art. 132-77), enlèvement d’une personne pour demander une rançon (cf. art. 224-4),…
C/ le dol indéterminé
Le problème envisagé ici est celui de la concordance ou non entre la volonté délictueuse de l’agent et le résultat obtenu. Dans la grande majorité des cas il y a concordance entre les deux : le résultat obtenu par l’agent est celui qu’il recherchait. On parle dans ce cas de dol déterminé. Mais il se peut qu’il n’y ait pas de concordance entre les deux et que le résultat dommageable produit ne corresponde pas au résultat qui était recherché par l’agent. Celui-ci n’a donc pas formellement voulu les conséquences de son acte.
On peut distinguer deux situations différentes ® le dol indéterminé : l’agent sait que
son acte aura des conséquences délictueuses mais ne sait pas à l’avance quel sera exactement le résultat ex : coups et blessures volontaires. Dans une telle hypothèse, l’agent doit être condamné en fonction du résultat produit, comme s’il l’avait voulu sauf pour les coups et blessures ayant entraîné la mort
® le dol praeter intentionnel : le résultat obtenu par l’agent dépasse celui qu’il recherchait ex : coups portés à une femme en ignorant qu’elle est enceinte, entraînant l’avortement ; coups et blessures entraînant la mort. Le résultat va donc au-delà non seulement de son intention mais également de ce qu’il aurait pu envisager. En principe, le résultat produit n’est pas imputable à l’agent, mais la loi peut le prendre en compte dans certaines situations pour prévoir des peines intermédiaires une peine plus forte que celle prévue pour l’infraction voulue par le délinquant mais moins forte que celle prévue pour l’infraction réalisée, ou ne prendre en compte que le résultat produit et non pas celui qui était envisagé par le délinquant ex : détournement d’avion (cf. art. 224-6) : « s’il a résulté de ce détournement la mort d’une ou plusieurs personnes, la peine encourue est la réclusion criminelle à perpétuité » (cf. art. 224-7).
Section 2 La faute de mise en danger délibérée
Cette faute a été créée par le CP de 1992. Elle est un peu un intermédiaire entre faute intentionnelle et faute non intentionnelle. Habituellement, à côté du dol indéterminé et du dol praeter intentionnel, on évoque la situation du dol éventuel = imprudence consciente : un individu ne recherche aucun résultat dommageable mais sait qu’il a un comportement dangereux, et a conscience que du fait de ce comportement dangereux un résultat dommageable peut arriver. Cependant, il persiste quand même dans son comportement car il pense pouvoir éviter la réalisation de ce résultat dommageable cf. circulation routière ex : doublement d’une voiture au sommet d’une côte. La question de la répression d’un tel comportement a toujours posé des difficultés, d’autant qu’avant le CP de 1992 il n’y avait que deux possibilités : faute intentionnelle ou non intentionnelle. Les poursuites se faisaient donc pour infraction non intentionnelle mais cette solution n’était pas satisfaisante car elle conduisait à ne faire encourir que des peines légères, non adaptées à la gravité des fautes commises. C’est donc à cette lacune que le CP de 1992 a voulu mettre fin en créant la faute de mise en danger délibérée cf. l’art. 121-3 distingue trois types de délits : intentionnels, non intentionnels et de mise en danger. Elle est apparue comme une consécration de la notion de dol éventuel. L’auteur de ce dernier ne sera désormais plus traité comme l’auteur d’une simple imprudence. Selon le législateur, cette faute aura le plus à s’appliquer dans les domaines de sécurité routière et de sécurité du travail.
L’art. 121-3 ne définit pas la faute de mise en danger, mais d’autres articles le font. Cette faute correspond donc à la violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de sécurité ou de prudence posée par la loi ou le règlement. Le législateur fait trois applications distinctes de cette faute : élément moral d’une infraction autonome, circonstance aggravante de certaines infractions ou une des deux fautes permettant d’engager la responsabilité pénale de l’auteur indirect d’une infraction non intentionnelle.
§ 1 La faute de mise en danger : élément moral d’une infraction
autonome
Il s’agit du délit de risque causé à autrui cf. art. 223-1, créé par le CP de 1992, qui est le fait d’exposer directement autrui à un risque immédiat de mort ou de blessures de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente, par la violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de sécurité ou de prudence posée par la loi ou le règlement. Il est puni d’un an d’emprisonnement et 15000€ d’amende. La création de ce délit est considérée comme une importante innovation du CP de 1992. En effet, jusque là une imprudence ne pouvait être pénalement sanctionnée que si elle avait eu un résultat dommageable. Or, aujourd’hui la répression va jouer en l’absence de tout dommage car ce qui est réprimé c’est la simple exposition d’autrui à un risque. Ce délit est donc une infraction formelle.
La faute de mise en danger est l’élément moral de ce délit, l’élément matériel étant l’exposition à un risque.
A/ l’élément moral du risque causé à autrui
- « la violation d’une obligation légale ou réglementaire ». Elle peut consister en une action ou une omission. Le terme de « règlement » doit ici être entendu dans son sens constitutionnel, i.e. un acte émanant de l’autorité administrative avec un caractère général et impersonnel = décrets et arrêtés. Cela exclut du champ de la répression les règlements d’origine privée ex : règlement intérieur d’entreprise, règlement sportif…
- « une obligation de prudence ou de sécurité ». Si l’objet du texte est autre, la répression n’est pas possible.
- « une obligation particulière ». et non pas générale Si l’obligation de sécurité ou de prudence est générale, la répression n’est pas possible. Le problème est que le législateur n’a pas défini cette notion d’obligation particulière. Selon la jurisprudence, une obligation est particulière lorsque le texte énonce de manière précise, concrète, circonstanciée le comportement que l’individu doit adopter pour être conforme aux exigences de sécurité ou de prudence. L’individu n’a plus aucune initiative à prendre, il doit faire exactement ce que dit le texte ex : l’art. R4 du Code de la route impose de rouler à droite _ cf. art. R14 et R19 du même Code sur les conditions de dépassement. A l’inverse, une obligation est générale lorsque le texte n’indique pas de manière précise le comportement à adopter. C’est alors à l’agent d’apprécier librement ce comportement cf. l’art. L2212-2 du CGCT impose aux maires le soin de prévenir les accidents et les fléaux calamiteux, ainsi que les pollutions de toute nature (cf. arrêt de la chambre criminelle du 25 juin 1996) _ cf. art. L230-2 du Code du travail « le chef d’entreprise prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé des travailleurs de l’établissement ».
- « une violation manifestement délibérée ». Avec cette expression on est au cœur de la faute de mise en danger délibérée puisqu’elle nous renseigne sur le comportement psychologique de l’auteur d’une telle faute, et c’est ce qui fait la particularité de cette faute intermédiaire entre intention et non intention. La faute de mise en danger délibérée combine la volonté et la non intention. On peut donc la rapprocher ® de
la faute intentionnelle : il y a dans les deux une dimension de volonté puisque ce qui est fait de manière délibérée est fait en connaissance de cause, et donc volontairement. Cependant, la différence entre les deux est ce à quoi se rapporte la volonté : volonté de produire le résultat dommageable dans la faute intentionnelle volonté au niveau du résultat, volonté de méconnaître l’obligation de sécurité dans la faute de mise en danger volonté au niveau du comportement
® de
la faute non intentionnelle : dans les deux cas il n’y a pas de recherche d’un résultat dommageable. La différence est que la faute non intentionnelle ne comporte pas la dimension de volonté qu’on trouve dans la faute de mise en danger. En effet, dans la faute non intentionnelle on est en présence de simples imprudences/manquements aux règles de sécurité, alors que dans la faute de mise en danger ces manquements sont délibérés.
En principe, dans l’application de la faute de mise en danger la difficulté sera de savoir si le manquement à une règle de sécurité est véritablement délibéré, ce qui diffère en fonction des circonstances cf. arrêt de la chambre criminelle du 16 février 1999 : non respect des normes d’hygiène et de sécurité par un chef d’entreprise malgré une lettre de l’inspection du travail.
B/ l’élément matériel du risque causé à autrui
C’est le fait d’exposer directement quelqu’un à un risque immédiat de mort ou de blessures graves.
- preuve de l’existence du risque causé à autrui. Deux conceptions sont apparues quant à la manière d’établir l’existence d’un risque ® la seule preuve de la violation de
l’obligation de sécurité suffit à établir l’existence d’un risque. C’est une conception qui aboutit à des présomptions de risque causé à autrui
® la seule preuve de la violation de l’obligation de sécurité ne permet pas de conclure à l’existence d’un risque, il faut apporter d’autres preuves.
La chambre criminelle a retenu la deuxième conception car elle considère que « les juges doivent caractériser un comportement particulier du prévenu qui s’ajoute à la violation de l’obligation de sécurité pour pouvoir réprimer sur le champ de l’art. 223-1. Ce comportement particulier doit être recherché dans l’action personnelle du prévenu et non pas dans les circonstances extérieures cf. arrêt de la CA de Paris du 27 octobre 1995 « rouler de nuit à 180 km/h en faisant du slalom entre les voitures constitue un délit de risque causé à autrui ».
- nature du risque. Le risque visé est celui de mort ou d’incapacité/infirmité permanente. La difficulté est de prouver la gravité du risque alors que par hypothèse celui-ci ne s’est pas réalisé cf. arrêt de la chambre criminelle du 4 octobre 1995.
- lien de causalité entre la violation de l’obligation de sécurité et le risque auquel autrui est exposé. Le risque doit résulter directement et immédiatement de la violation de l’obligation de sécurité. L’éventualité d’un risque n’est donc pas prise en compte. La difficulté est de savoir si on est en présence d’une causalité subjective ou objective ® causalité subjective : l’agent a une conscience effective du risque
auquel il expose une personne, ce qui suppose qu’il ait su qu’il y avait une personne présente sur les lieux où l’obligation a été méconnue. Une telle conception ne peut pas être retenue car elle pose un problème de preuve et un problème par rapport à l’élément moral exigence de l’intention d’exposer autrui à un risque, ce qui est la définition d’une infraction intentionnelle. Cependant, certaines juridictions du fond l’ont retenue
® causalité objective : la violation de l’obligation de sécurité fait objectivement naître un risque pour autrui d’après les faits. Cela a pour effet de ramener la dimension volontaire de la faute à la méconnaissance de l’obligation de sécurité.
La chambre criminelle a consacré la deuxième conception car elle n’exige pas que le prévenu ait eu conscience que des personnes étaient présentes sur les lieux où l’obligation de sécurité a été méconnue cf. skieurs hors piste ayant provoqué une avalanche, avaient vérifié que personne n’était présent sur les pistes Þcondamnation car il y a eu un risque causé objectivement à autrui par leur comportement.
Les conditions posées par l’art. 223-1 sont nombreuses, ce qui rend la répression plus difficile. Cela a été volontairement fait par le législateur qui avait conscience des abus possibles : toutes les contraventions posées par le Code de la route auraient pu être transformées en délits.
Ce délit de risque causé à autrui va générer de nombreux problèmes de concours de qualification. Si le résultat dommageable ne s’est pas produit, la violation de l’obligation de sécurité est en principe en elle-même une infraction : on a donc un acte matériel unique susceptible de deux qualifications dont le délit de risque causé à autrui. Le délit de risque causé à autrui protégeant une valeur différente le prononcé des deux qualifications est possible. En revanche, si le résultat dommageable s’est produit, le délit de risque causé à autrui est écarté : on ne retient que la qualification d’homicide involontaire ou de blessures involontaires qui seront alors plus sévèrement réprimés _ sauf si plusieurs personnes sont concernées : certaines victimes du résultat dommageable qui s’est produit, les autres non.
§ 2 La faute de mise en danger : circonstance aggravante de certaines
infractions
On est dans le cas où la violation délibérée à une obligation de sécurité a entraîné un dommage ex : homicide involontaire ou blessures involontaires. Lorsque ce dommage n’est pas le résultat d’une simple faute non intentionnelle mais celui d’une violation manifestement délibérée, les peines encourues sont aggravées ex : homicide involontaire : trois ans d’emprisonnement et 45000€ en cas de simple faute involontaire, cinq ans d’emprisonnement et 75000€ d’amende en cas de faute de mise en danger, 10 ans d’emprisonnement et 150000€ d’amende dans d’autres cas (cf. art. 221-6-1) _ ex : blessures involontaires, même mécanisme (cf. art. 222-19 ou 222-19-1) NB : si l’ITT est inférieure à trois mois c’est une contravention en cas de faute non intentionnelle (cf. art. R625-2) alors qu’il s’agit d’un délit en cas de faute de mise en danger. Ce mécanisme d’aggravation est également prévu pour des infractions qui ne sont pas contre les personnes ex : destruction d’un bien (cf. art. 322-5) : un an d’emprisonnement et 15000€ d’amende pour la faute simple, deux ans d’emprisonnement et 30000€ d’amende en cas de faute de mise en danger.
Si on devait placer la faute de mise en danger dans l’une des deux catégories traditionnelles il faudrait la classer dans les fautes non intentionnelles car il n’y a pas la recherche d’un résultat dommageable.
Section 3 La faute non intentionnelle
Avec cette faute, l’agent n’est pas animé par la recherche d’un résultat dommageable. L’état psychologique visé est un relâchement de la vigilance, un manque de concentration qui fait que l’agent commet une imprudence ou un manquement à une obligation de sécurité qui cause un dommage. La faute non intentionnelle n’est punissable que si elle a entraîné un dommage, tout au moins en ce qui concerne les atteintes aux personnes.
Il n’existe pas de crime non intentionnel, mais il peut y avoir des délits non intentionnels si le législateur le dit expressément, de même pour les contraventions cf. art. 121-3 al. 3.
Les infractions non intentionnelles d’application la plus fréquente sont l’homicide involontaire et les blessures involontaires, mais il en existe d’autres qui ne concernent pas nécessairement les atteintes aux personnes ex : destruction d’un bien _ cf. art. 322-5.
La faute non intentionnelle est le domaine du droit qui a le plus évolué cf. lois de 1996 et 2000. La question s’est posée quant à la responsabilité pénale des demandeurs publics, des élus locaux, notamment des maires. Au début des années 1990, il est apparu que la responsabilité pénale de ces personnes était de plus en plus mise en cause pour des faits non intentionnels. Le législateur a donc essayé d’alléger cette responsabilité. La loi du 13 mai 1996 et celle du 10 juillet 2000 ont donc été votées dans cet optique. La dernière a eu d’importants effets puisqu’elle aboutit à une certaine dépénalisation de la faute non intentionnelle : désormais, certaines imprudences dommageables ne sont pas pénalisées.
Est-ce que toute faute d’imprudence doit être pénalement sanctionnée ? Certains répondent non car le DP, du fait de sa solennité et de sa gravité, ne devrait sanctionner que les comportements les plus dangereux, les comportements à base de faute intentionnelle. Les conséquences dommageables de l’imprudence ne devraient être réglées que dans le cadre du DC. Le législateur n’a jamais voulu aller dans cette voie car une dépénalisation totale serait très dangereuse notamment dans le cadre des accidents de la route.
§ 1 Notion de faute non intentionnelle
Depuis la loi du 10 juillet 2000 loi Fauchon, le CP distingue plusieurs catégories de fautes non intentionnelles cf. art. 121-3 al. 3 et 4, la distinction reposant sur la gravité de la faute. Le législateur n’a cependant pas donné un nom particulier à chacune de ces fautes, la doctrine distingue donc la faute non intentionnelle simple/ordinaire aux fautes non intentionnelles qualifiées.
A/ la faute simple
- contenu. Avant 2000 il n’y avait pas de distinction faite au sein des fautes non intentionnelles : qu’elles soient graves ou légères, elles engagent toutes la responsabilité de leur auteur. La faute simple correspond à n’importe quelle faute non intentionnelle, légère ou grave, suffisante pour engager la responsabilité de son auteur. Il résulte des textes que cette faute ordinaire peut revêtir deux formes différentes ® une imprudence, maladresse, inattention ou négligence cf. art. 221-6.
Cette faute d’imprudence existe en-dehors de tout manquement à une règle de sécurité ou de prudence prévue par un texte cf. obligation générale de sécurité pesant sur tout citoyen
® un manquement à une obligation de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le règlement. Cette forme de la faute non intentionnelle est la plus courante cf. accidents de la circulation, du travail… Elle peut faire penser à la faute de mise en danger délibérée mais ici le manquement à l’obligation résulte d’une simple imprudence et peut porter sur une obligation générale.
- appréciation. Elle peut être différente selon les deux formes de faute simple puisque dans le manquement à un texte il y a un élément objectif = le texte et pas dans l’imprudence pure. Avant 1996 l’appréciation se faisait in abstracto, mais la loi du 13 mai 1996 a inséré une appréciation in concreto ® appréciation avant 1996. La
jurisprudence, pour apprécier si un individu avait eu ou non un comportement imprudent, avait un raisonnement in abstracto : elle imaginait un individu idéal/parfait, normalement prudent, et se demandait quelle aurait été son comportement dans la situation de l’individu poursuivi. S’il apparaît que cet individu normalement prudent aurait eu le même comportement que la personne poursuivie, cette dernière était relaxée. A l’inverse, la personne poursuivie était considérée comme n’ayant pas eu un comportement prudent et donc sanctionnée s’il se révélait que le comportement de l’individu normalement prudent aurait été autre. Cependant, les juges tenaient compte de la qualité de la personne poursuivie, ce qui introduisait des éléments d’appréciation in concreto. Le législateur a néanmoins considéré que cette méthode d’appréciation in abstracto était de nature à trop souvent reconnaître la responsabilité des individus, et a donc voté une loi
® appréciation depuis la loi du 13 mai 1996 : in concreto cf. art. 121-3 al. 3 « Il y a délit s’il est établi que l’individu n’a pas accompli les diligences normales compte-tenu le cas échéant de ses missions, de ses compétences, de ses fonctions et des moyens dont il disposait ». Cette appréciation est générale et joue tant pour les délits que pour les contraventions non intentionnels cf. art. R622-1 et R625-2. Elle s’applique aux deux formes de la faute simple ainsi que pour les fautes qualifiées. Les diligences normales constituent ce que l’individu a fait pour empêcher la survenance du dommage compte-tenu de ce qu’il avait comme moyen à sa disposition. S’il a fait tout ce qui était en son pouvoir et que malgré tout le dommage a eu lieu, l’individu ne sera pas sanctionné. En revanche, s’il apparaît qu’il aurait pu faire plus pour empêcher le dommage il sera considéré comme ayant commis une faute, et pourra donc être sanctionné.
En pratique, il est apparu que cette loi n’a rien apporté compte-tenu des avancées de la jurisprudence avant son édiction. Les diligences normales font partie des éléments constitutifs de l’infraction et leur absence doit donc être prouvée par l’accusation. Elle s’applique également au cas du manquement à un texte mais pas dans tous les cas notamment pas les délits matériels _ cf. arrêt de la chambre criminelle du 2 avril 1997 : « tout manquement par le conducteur d’un véhicule à ses obligations de prudence ou de sécurité est nécessairement incompatible avec les diligences normales et caractérise la faute de celui-ci ».
Au lendemain de cette loi, la question s’est donc posée si elle avait répondu aux attentes du législateur. En pratique, la responsabilité pénale des personnes, et des maires notamment, est engagée de la même manière. Cet échec s’explique par le fait qu’elle n’a pas véritablement opéré de rupture quant à la méthode d’appréciation, ainsi que par le fait qu’elle ne soit pas penchée sur la question de la gravité de la faute alors que c’est elle qui est à l’origine de l’inflation des poursuites en responsabilité puisque fautes graves comme légères entraînent cette responsabilité.
B/ les fautes qualifiées
La mise e place de cette catégorie résulte de la loi du 10 juillet 2000. En effet, jusqu’à cette loi la faute non intentionnelle était uniforme : toute faute, même légère, entraînait la responsabilité pénale de son auteur. La loi établit donc une hiérarchie reposant sur la gravité des fautes. La faute simple ou ordinaire, dans certains cas, suffira à engager la responsabilité pénale de son auteur. Mais dans certains cas elle ne suffira pas, l’auteur ne pourra être sanctionné que s’il a commis une faute plus grave : une faute qualifiée. Dans ce cas, la personne qui n’a commis qu’une faute ordinaire échappe donc à la répression pénale. Il existe donc désormais des fautes non intentionnelles qui ne sont pas pénalement sanctionnées même si elles ont entraîné un dommage. L’élément qui tient lieu de critère de distinction est le lien de causalité entre le comportement fautif de l’agent et le dommage qui est causé. Si le lien de causalité est direct, la faute d’imprudence au sens d’une faute légère suffira pour engager la responsabilité de l’auteur. Si le lien de causalité est indirect, l’auteur de la faute légère échappe à la répression pénale : une faute qualifiée est exigée pour engager sa responsabilité pénale.
Il existe deux fautes qualifiées cf. art. 121-3 al. 4, fautes qui s’appliquent à la fois aux délits non intentionnels supposant la réalisation d’un dommage ex : homicide/blessures involontaires de pollution des eaux et aux contraventions pour blessures involontaires ® violation manifestement délibérée d’une obligation
particulière de sécurité de prudence ou de sécurité posée par la loi ou le règlement : faute de mise en danger. Cette faute qualifiée n’est donc pas une innovation de la loi Fauchon, en revanche son utilisation l’est. L’auteur indirect d’une infraction non intentionnelle engage sa responsabilité pénale s’il a commis une faute de mise en danger. Il encourt de plus les peines aggravées prévues par la loi dans ces situations
® faute caractérisée. C’est une création de la loi Fauchon.
Elle peut prendre les deux mêmes formes que la faute simple, elle est donc en cela plus large que la faute de mise en danger. Elle est plus grave que la faute ordinaire mais moins que la faute de mise en danger car le caractère délibéré n’est pas exigé. Le problème en pratique est d’apprécier le gravité de la faute de l’auteur indirect. Il existe deux cas de figure dans lesquels la jurisprudence retient la faute caractérisée : l’auteur indirect n’a commis qu’une seule faute mais suffisamment grave ex : mauvaise évaluation de l’état d’un malade par un médecin du SAMU, entraînant l’appel d’un médecin de quartier et non d’une ambulance, donnant lieu à la mort du patient avant l’arrivée du médecin 50 minutes plus tard _ cf. arrêt de la chambre criminelle du 2 décembre 2003, ou il a commis plusieurs fautes légères ex : la chute mortelle d’un skieur entraîne la condamnation pour homicide involontaire du maire qui avait, entre autres, ouvert la station avant la date prévue _ cf. arrêt de la chambre criminelle du 13 novembre 2003.
Une autre condition de la faute caractérisée est qu’elle doit exposer autrui à un risque d’une certaine gravité mort ou blessures. Néanmoins, elle peut être retenue même si le dommage n’a pas touché une personne ex : condamnation d’un chef d’entreprise pour pollution _ cf. arrêt de la chambre criminelle du 19 octobre 2004. Ce risque devait être un risque « que la personne ne pouvait ignorer ». La jurisprudence fait deux applications différentes de cette dernière condition. S’agissant de certaines personnes elle considère qu’en raison de la nature de ses fonctions ou activités elle devait nécessairement connaître le risque auquel elle exposait autrui = présomption de la connaissance du risque, notamment pour les chefs d’entreprise _ cf. arrêt de la chambre criminelle du 11 février 2003. Dans la deuxième application, la conscience du risque n’est pas présumée, il faut donc en apporter la preuve cf. arrêts de la chambre criminelle des 4 juin 2002 et 6 septembre 2005.
Cette faute caractérisée occupe une place prépondérante en ce sens que dans la très grande majorité des ces, pour retenir la responsabilité pénale d’un auteur indirect les juges se fondent sur cette faute, et ce même dans les domaines où le plus souvent le dommage résulte de la méconnaissance d’un texte ex : accidents du travail.
§ 2 Le lien de causalité
Il faute démontrer que le dommage est la conséquence du comportement fautif de l’individu. C’est en réalité une question qui relève de l’élément matériel, cependant depuis la loi de 2000 la question de la faute et celle de la causalité sont étroitement liées. L’exigence de la causalité concerne aussi bien les infractions intentionnelles que les infractions non intentionnelles.
A/ causalité certaine
Il est nécessaire que le dommage puisse être rattaché de manière certaine au comportement de l’agent qui est poursuivi. C’est au juge qu’il appartient d’établir cette certitude. Pour ce faire, il recherche s’il y a une continuité entre le comportement de l’agent et le dommage cf. arrêt de la chambre criminelle du 5 octobre 2004. Cela n’est pas toujours évident ex : maladie mortelle préexistante, prédisposition suicidaire… de la victime _ cf. arrêt de la chambre criminelle du 14 janvier 1971.
En revanche, si elle doit être certaine la causalité n’a pas à être exclusive : il n’est pas exigé que la faute du prévenu soit la cause exclusive du dommage. Il existe ainsi les fautes concurrentes et les fautes conjuguées ® fautes concurrentes : plusieurs
personnes par leur agissement respectif et isolé contribuent à la réalisation du dommage. Dans ce cas, la responsabilité de ces différentes personnes pourra être retenue dès lors qu’aura été retenue la causalité certaine entre leur comportement et le dommage. La responsabilité pénale est donc ici cumulative, et chacun est déclaré pénalement responsable de l’entier dommage. C’est une situation de coaction = infraction avec plusieurs auteurs. Il faut noter la situation de la faute de la victime elle-même qui est très fréquente ex : accidents de la route, du travail. En principe cette faute n’exonère pas la personne poursuivie de sa responsabilité, sauf si la faute de la victime est la cause unique et exclusive du dommage qu’elle a subi
® fautes conjuguées. C’est une hypothèse beaucoup plus rare car il s’agit d’une action commune de plusieurs personnes ex : plusieurs chasseurs tirent en même temps et tuent/blessent une même personne. Dans ce cas, toutes les personnes sont condamnées cf. arrêt de la chambre criminelle du 23 juillet 1986.
B/ causalité directe et causalité indirecte
Depuis la loi du 10 juillet 2000, cette question est devenue fondamentale puisque c’est la causalité qui détermine la faute requise par la personne poursuivie. Cette question devient donc première puisqu’avant de s’interroger sur la faute le juge doit déterminer si on est en présence d’une causalité directe ou indirecte.
- théories en matière de causalité ® théorie de l’équivalence des conditions. Elle
consiste à rechercher si un comportement peut être considéré comme une condition sine qua non du dommage qui est survenu. On se demande donc si en l’absence de ce comportement le dommage serait survenu. Si on considère que sans ce comportement le dommage ne se serait pas produit, le comportement doit être tenu pour causal. Il est donc une condition nécessaire/sine que non du dommage. Il peut exister plusieurs conditions sine qua non pour un même dommage cf. hypothèse des fautes concurrentes, elles sont alors toutes considérées comme équivalentes et leurs auteurs seront tous déclarés responsables de l’entier dommage.
L’intérêt de cette théorie est qu’elle est d’une grande simplicité de mise en œuvre. L’inconvénient est qu’elle ne distingue pas selon le rôle joué par chacun des agents
® théorie de la causalité adéquate. On élimine tous les comportements qui, selon le cours naturel des choses, ne pouvaient pas entraîner le résultat dommageable. Ne seront alors retenues que les causes paraissant adéquates pour produire le résultat
® théorie de la proximité des causes. Elle consiste à ne retenir sur le plan pénal que la cause la plus proche du dommage dans le temps. Elle est considérée comme trop simpliste et rudimentaire.
- jurisprudence avant la loi de 2000. Elle avait une conception très extensive de la causalité puisqu’elle admettait largement l’existence d’une relation causale : dès lors qu’un comportement avait joué un rôle dans la réalisation du dommage, la responsabilité pénale de son auteur était retenue. La jurisprudence appliquait donc sans le dire la théorie de l’équivalence des conditions, position très répressive qui devait être rapprochée de la conception très large de la faute non intentionnelle avant 2000.
- loi du 10 juillet 2000. Elle distingue entre causalité directe et causalité indirecte qui établit la nature de la faute ® causalité directe. La loi ne l’a pas définie mais une
circulaire d’application du 11 octobre 2000 l’a fait : « il n’y aura causalité directe que lorsque la personne en cause aura soit elle-même frappé ou heurté la victime, soit initié ou contrôlé le mouvement d’un objet qui aura heurté ou frappé la victime ». Cela renvoie à la théorie de la proximité des causes. La jurisprudence n’a pas consacré cette conception de la causalité directe. En effet, elle considère qu’une cause qui n’es pas en relation de proximité avec le dommage peut tout de même être considérée comme une cause directe du dommage si elle en a été le paramètre déterminant. La jurisprudence applique donc la théorie de la causalité adéquate cf. arrêt de la chambre criminelle du 29 octobre 2002
® causalité indirecte. Plus une faute a joué un rôle indirect/lointain dans la réalisation du dommage, plus elle doit être grave pour engager la responsabilité de son auteur et vice-versa. La loi considère deux catégories de personnes pouvant être considérées comme des auteurs indirects cf. art. 221-3 al. 4 : celui qui a créé ou contribué à créer la situation ayant permis la survenance du dommage, et celui qui n’a pas empêché ou n’a pas contribué à empêcher la réalisation du dommage ex du premier cas : les décideurs publics (maires, préfets…), privés (chefs d’entreprise…)…
du fait des nombreuse critiques il est question de réformer la loi Fauchon, réforme qui porterait à modifier la faute de mise en danger délibérée pour faciliter la responsabilité suppression des termes « manifestement délibérée ».
NB : L’auteur indirect qui commet une faute d’imprudence légère est exempté de sa responsabilité pénale mais il continue à mettre en œuvre sa responsabilité civile. Cela a mis fin à l’identité de la faute pénale d’imprudence et de la faute civile d’imprudence : à ce principe d’identité la loi Fauchon substitue un principe de dualité des deux fautes pour l’auteur indirect.
La distinction causalité directe/indirecte ne joue que pour les personnes physiques. Une personne morale est donc personnellement responsable en cas de faute simple, qu’elle soit l’auteur direct ou indirect du dommage cf. arrêt de la chambre criminelle du 24 octobre 2000.
Þ Les automobilistes ne bénéficient pas de la loi Fauchon puisque dans la majorité des cas ils sont des auteurs directs.
Les chefs d’entreprise sont des décideurs donc des auteurs indirects mais ils ne bénéficient pas non plus de la loi puisque la jurisprudence les traite aussi sévèrement qu’avant 2000 responsabilité quasi systématique.
Les décideurs publics, et plus particulièrement les maires, ont semble-t-il bénéficié de la loi cf. décisions de relaxe _ cf. arrêt de la CA de Rennes du 19 septembre 2000 _ cf. arrêt de la chambre criminelle du 9 octobre 2001. Mais au fil du temps il semble y avoir un renversement de situation puisqu’aujourd’hui la tendance jurisprudentielle est plutôt à la condamnation cf. arrêt de la chambre criminelle du 11 juin 2003.
Les personnels d’éducation, traités comme des auteurs indirects, sont autant condamnés que relaxés.
Pour les médecins et chirurgiens, si le dommage résulte d’une erreur médicale/chirurgicale ou d’une mauvaise appréciation des risques ils sont considérés comme des auteurs directs. En revanche, si le dommage résulte d’une mauvaise organisation du service médical ils sont des auteurs indirects, une faute qualifiée est donc nécessaire.
Section 4 La faute contraventionnelle
Elle est constituée à partir du moment où l’agent a matériellement commis l’acte interdit par la loi. Il n’y a pas lieu de rechercher s’il avait l’intention de nuire ou s’il a commis une imprudence. Il s’agit d’infractions matérielles, et il semblerait à première vue que ces infractions n’ont pas d’élément moral. Or, affirmer ceci reviendrait à dire qu’il y a une responsabilité sans faute. Ces infractions ont bien un élément moral mais qui présente certaines particularités.
§ 1 Domaine de la faute contraventionnelle
Comme son nom l’indique, ce sont les contraventions qui ont pour élément moral une telle faute cf. l’art. 121-3 al. 1 à 3 ne fait référence qu’aux crimes et délits. Certaines infractions peuvent avoir pour élément moral soit une faute intentionnelle soit une faute non intentionnelle, mais dans ce cas il faut que le règlement l’exige expressément cf. art. R625-1 et –2. La faute contraventionnelle est défavorable au délinquant qui peut être sanctionné dès lors qu’il a matériellement réalisé ce qui est interdit par la loi. C’est pourquoi cette solution ne peut être utilisée qu’en matière de contravention. Sous l’empire de l’ancien CP, il existait des délits qui comportaient une faute contraventionnelle comme élément moral = délits matériels/contraventionnels. Leur existence a toujours fait l’objet de critiques du fait de la gravité des peines en matière de délits. C’est pourquoi le CP de 1992 a supprimé ces délits matériels, mais certains ont subsisté ex : homicides/blessures involontaires consécutifs à un manquement aux normes de sécurité.
§ 2 Régime de la faute contraventionnelle
On peut penser que ce qui caractérise les infractions matérielles c’est qu’elles n’ont pas d’élément moral. Cette analyse ne correspond pas à la réalité puisque ces infractions matérielles comportent bien un élément moral. Le problème est de pouvoir en faire la preuve. La jurisprudence a toujours considéré que l’auteur d’une infraction matérielle pouvait échapper à la répression pénale s’il avait agi en état de démence ou sous l’effet de la contrainte cf. art. 121-3 dernier al. « il n’y a point de contravention en cas de force majeure » qui sont des causes de non imputabilité ayant pour effet de faire disparaître l’élément moral.
Le plus souvent, la faute contraventionnelle prend la forme d’une imprudence ou d’une inobservation des règlements, i.e. le même contenu que la faute non intentionnelle. La différence entre les deux fautes se situe au niveau de la preuve : la faute non intentionnelle doit être prouvée par l’accusation, alors que la faute contraventionnelle est présumée à partir de la constatation que l’agent a matériellement commis l’acte interdit par le texte. Cette présomption de faute est quasi irréfragable : même si l’agent prouve qu’il n’a pas agi intentionnellement ou qu’il n’a pas commis d’imprudence, il ne pourra pas échapper à la répression pénale. Seule la preuve d’un cas de force majeure lui permettra d’y échapper.
C’est une solution très sévère qui donne un caractère quasi automatique à la répression pénale, mais cette sévérité est justifiée par certains par le fait qu’il s’agit de la discipline collective.
La faute contraventionnelle est souvent présentée à part bien qu’elle ne soit pas véritablement particulière.
Þ En DP il existe une circonstance de nature à faire disparaître la faute commise par l’agent donc disparition de la culpabilité, de l’élément moral et donc de l’infraction, i.e. une cause d’impunité. Il s’agit de l’erreur : l’agent a accompli un acte sans savoir que celui-ci constituait une infraction pénale.
Chapitre 2 L’imputabilité
Elle constitue la deuxième composante de l’élément moral. La culpabilité n’est donc pas suffisante pour engager la responsabilité pénale d’une personne.
L’imputabilité est la capacité qu’a un individu à répondre de ses actes cf. arrêt de la chambre criminelle « Laloube » du 1er décembre 1956 « tout infraction, même non intentionnelle, suppose que son auteur ait agi avec intelligence et volonté ». Cette condition est aujourd’hui très importante, mais elle n’a pas toujours existé dans notre droit, ce qui explique qu’on pouvait engager la responsabilité des animaux ou des choses.
Ce qui est surtout intéressant c’est la non imputabilité dont il existe plusieurs causes consistant en des situations portant atteinte à l’intelligence ou la volonté de l’agent ex : démence, contrainte.
LIVRE II LE DELINQUANT
TITRE I LES PERSONNES PENALEMENT
RESPONSABLES
Chapitre 1 Responsabilité des personnes physiques
Il y a plusieurs manières pour une personne de participer à la réalisation d’une infraction pénale et donc d’engager sa responsabilité pénale : auteur, co-auteur ou complice.
L’auteur doit avoir personnellement accompli l’acte interdit par la loi cf. art. 121-1 « nul n’est responsable que de son propre fait » et matériellement commis l’infraction pour être reconnu comme tel. Le DP français a donc une conception matérielle de l’auteur d’une infraction. L’auteur intellectuel d’une infraction est la personne qui conçoit l’infraction mais la fait matériellement réaliser par une autre personne sans y participer. L’auteur moral/intellectuel ne peut donc pas être sanctionné comme étant l’auteur de l’infraction. Il ne pourra être sanctionné que sur le terrain de la complicité. Il existe cependant certains cas où l’auteur moral pourra être sanctionné comme auteur de l’infraction ex : génocide (cf. art. 211-1), abus d’autorité (cf. art. 432-4), provocation à la trahison et à l’espionnage (cf. art. 411-11), provocation au suicide d’une personne (cf. art. 223-13), provocation d’un mineur à commettre une infraction (cf. art. 227-18).
Le co-auteur apparaît dès lors que plusieurs auteurs commettent une infraction, chacun répondant à la définition de l’auteur. Chacun des co-auteurs encourt à lui seul la peine prévue pour l’infraction commise. Dans certains cas, il peut arriver que le fait qu’il y ait plusieurs auteurs soit considéré comme une circonstance aggravante ex : vol (cf. art. 311-4).
Le complice pose plus de difficultés.
Section 1 La complicité
Sa particularité est qu’elle met en scène plusieurs participants qui interviennent à des titres différents dans la réalisation de l’infraction. Il y a deux catégories d’intervenants : l’auteur principal et le complice. Ce dernier n’a pas matériellement consommé l’infraction mais a contribué à sa réalisation. Les relations entre ces deux catégories de personnes sont exprimées par le principe de l’emprunt de criminalité. Les actes du complice ne constituent pas en eux-mêmes une infraction pénale mais deviennent pénalement réprimables car ils se rattachent à un fait principal qui, lui, est réprimable. L’acte du complice emprunte donc au fait principal son caractère punissable.
§ 1 Conditions de la complicité
A/ conditions tenant au fait principal
- nature du fait principal. Le fait principal doit constituer une infraction cf. art. 121-6 pour que la complicité soit punissable ex : la complicité de suicide n’est pas punissable, la complicité de tentative de délit non punissable non plus. La loi distingue la complicité par aide ou assistance, qui est punissable si le fait principal est un crime ou un délit, de la complicité par instruction ou provocation qui est punissable quel que soit la nature de l’infraction principale.
La complicité est une infraction intentionnelle mais peut bizarrement être punissable dans le cas où le fait principal est une infraction non intentionnelle cf. arrêt de la CA de Chambéry du 8 mars 1956 (accident de bobsleigh : homicide involontaire) _ cf. arrêt de la chambre criminelle du 6 juin 2000 (complicité de risque causé à autrui). Récemment, la jurisprudence a admis qu’il pouvait y avoir une complicité punissable alors que le fait principal n’était pas une infraction mais simplement un acte objectivement punissable. C’est le cas où l’auteur principal a commis un acte matériellement contraire à la loi mais sans l’élément moral requis par la loi ex : pas d’intention pour une infraction intentionnelle. Il n’y a donc pas d’infraction mais la chambre criminelle a admis qu’il pouvait y avoir complicité punissable d’un tel acte ex : une personne fait commettre une infraction à quelqu’un qui n’a pas conscience que c’est illégal _ cf. arrêt de la chambre criminelle du 8 janvier 2003 « un fait punissable ayant été constitué, la relaxe de l’auteur n’exclut pas la culpabilité d’un complice » _ cf. arrêt de la chambre criminelle du 15 décembre 2004. Cette solution peut se justifier sur le plan de la politique criminelle puisque le complice est le véritable auteur de l’infraction, mais d’un point de vue de droit c’est très critiquable car cela méconnaît le principe d’interprétation stricte de la loi pénale.
- caractères du fait principal ® l’infraction principale doit être punissable. La
complicité n’est pas punissable lorsque l’infraction principale ne l’est pas non plus, i.e. notamment dans les cas de dépénalisation, de prescription de l’action publique, d’amnistie, dans le cadre de causes objectives d’impunité ex : légitime défense, ordre de la loi
® mais peu importe que l’auteur de l’infraction ait été puni ou non pour que le complice soit, lui, puni ex : auteur non identifié, mort, bénéficiant d’une cause subjective d’impunité (trouble psychique, contrainte)… mais pas le complice.
B/ conditions tenant au fait de complicité
L’acte de complicité constitue une infraction à part entière et ne peut donc être sanctionnée que dans les cas prévus par la loi cf. art. 121-7. Comme tout infraction, la complicité se compose d’un élément matériel et d’un élément moral.
- élément matériel de la complicité. Il est défini par la loi qui en distingue deux formes et qui doivent toutefois respecter un certain nombre de conditions
®formes/modalités matérielles de la complicité cf. art. 121-7. Il existe la complicité par aide ou assistance. Les termes d’« aide » et d’ « assistance » sont assez généraux, ce qui permet de plus sanctionner. C’est cette forme de complicité qu’on retrouve le plus souvent. Le complice sera sanctionné même si son aide n’a pas été efficace pour réaliser l’infraction, mais seulement si l’infraction principale est un crime ou un délit sauf si un règlement l’incrimine expressément pour une contravention _ cf. art. R623-2 (tapage nocturne), art. R624-1 (violences légères). Il existe également la complicité par instruction ou par provocation qui vise l’auteur moral/intellectuel de l’infraction principale. Pour la provocation, il faut un don, une menace, un ordre, ou encore un abus d’autorité ou de pouvoir. De plus, on considère que la provocation doit être exercée sur une personne ou un groupe de personne déterminé, qu’elle doit inciter à commettre une infraction précise, et qu’elle doit être suivie d’une infraction. La complicité par instruction est assez proche de la provocation, une personne devant donner des renseignements assez précis à une autre personne, lui permettant de commettre une infraction. Aucune contrainte ne pèse sur le délinquant. Cette forme de complicité, par instruction ou provocation, joue aussi bien en matière de crimes, délits ou contraventions. Elle a toujours posé un problème lié au principe de l’emprunt de criminalité qui exige l’existence d’un fait principal punissable. La répression du complice dépend ici de l’action d’une tierce personne = la personne provoquée et revêt donc un caractère aléatoire, selon que la personne provoquée ait ou non commis l’infraction. Or, dans les deux cas l’intention criminelle existe chez le provocateur. Cette situation peut aboutir à des solutions incompréhensibles cf. arrêts « Lacour » et « Schied » de la chambre criminelle, 25 octobre 1962 Þ hypothèse du mandat criminel. Lors des travaux préparatoires du CP de 1992 l’idée de faire de la provocation une infraction autonome avait été émise mais elle n’a pas été retenue. Le CP punit cependant dans certaines hypothèses la provocation sans effet cf. art. 411-11 : provocation à la trahison et à l’espionnage _ cf. art. 222-18 à –21 : provocation de mineur à commettre une infraction. La jurisprudence a néanmoins trouvé une parade pour éviter les impunités aberrantes en faisant jouer la répression du provocateur sur le terrain de l’association de malfaiteurs cf. art. 450-1 _ cf. arrêt de la chambre criminelle du 30 avril 1996. La loi du 9 mars 2004 prévoit l’hypothèse du mandat criminel cf. art. 221-5-1 « celui qui fait des dons ou des promesse, ou propose des dons, présents ou avantages quelconques à une personne afin qu’elle commette un assassinat ou un empoisonnement, est puni de dix ans d’emprisonnement et de 150000€ d’amende si ce crime n‘a été ni commis ni tenté » dans laquelle le provocateur est puni comme auteur de l’infraction. Elle ne vise cependant que les provocations à l’assassinat ou à l’empoisonnement, ne vise pas les ordres, menaces, abus d’autorité ou de pouvoir, ni la fourniture d’instructions. La loi du 4 avril 2006 a donc incriminé d’autres hypothèses de provocation non suivie d’effet cf. art. 227-28-3
® caractères de la complicité. L’acte de complicité doit être consommé, la tentative de complicité n’est donc pas punissable. L’acte de complicité doit de plus être positif = acte de commission, l’abstention n’est donc pas répréhensible sauf cas particuliers ex d’abstention : accord entre l’auteur de l’infraction et le complice cf. arrêt de la chambre criminelle du 27 octobre 1971 _ ex : obligation d’intervenir pour une personne du fait de sa qualité professionnelle cf. arrêt du tribunal correctionnel d’Aix du 14 janvier 1947. Cet acte de complicité ne doit pas être postérieur à l’infraction sauf en cas d’aide postérieure prêtée en vertu d’un accord antérieur cf. arrêt de la chambre criminelle du 3 avril 1963. La complicité peut être indirecte = complicité de complicité = complicité du second degré _ c. arrêt de la chambre criminelle du 30 mai 1989 « le CP n’exige pas que les instructions soient données directement par l’instigateur aux exécutants » _ cf. arrêt de la chambre criminelle du 15 décembre 2004 « la loi n’exige pas que l’aide et l’assistance soient apportées directement par le complice à l’auteur » si et seulement si le complice indirect a conscience de participer à une infraction.
- l’élément moral de la complicité. La complicité est une infraction intentionnelle, une imprudence ne suffit donc pas pour condamner une personne pour complicité. L’intention du complice consiste en sa volonté de s’associer en connaissance de cause à l’infraction et à son résultat dommageable. Cela étant, plusieurs problèmes peuvent se poser. Le premier problème est qu’il n’y ait pas de concordance entre l’infraction projetée et l’infraction effectivement réalisée par l’auteur principal. Dans ce cas, si l’infraction réalisée est totalement différente de celle prévue le complice échappe à la répression pénale cf. arrêt de la chambre criminelle du 13 janvier 1955. Si le complice avait envisagé la possibilité d’une infraction plus grave qui est effectivement commise il sera puni cf. arrêt de la chambre criminelle du 23 mai 1973. Si l’infraction commise correspond à celle qui avait été projetée au départ mais a été commise avec des circonstances aggravantes le complice est tenu par ces circonstances aggravantes même si elles n’étaient pas prévues au départ. La deuxième difficulté se présente lorsque l’infraction principale comporte un dol spécial. La jurisprudence ne semble pas exiger que l’intention particulière du dol spécial existe chez le complice cf. arrêt de l’assemblée plénière du 11 juin 2004.
§ 2 Répression de la complicité
A/ sanction de la complicité dans le CP cf. art. 121-6
Dans l’ancien CP « les complices d’un crime ou d’un délit [étaient] punis de la même peine que l’auteur principal ». Cette formule était conforme au principe de l’emprunt de criminalité/pénalité : la répression du complice passe par celle de l’auteur principal. Le complice encourait donc les mêmes peines que l’auteur de l’infraction cf. art. 59 de l’ancien CP.
Le CP 1992 dispose que « sera puni comme auteur le complice d’une infraction ». Ici il n’y a plus de référence à l’emprunt de pénalité, la répression du complice est envisagée en elle-même. Dans la très grande majorité des cas cela ne fait en pratique aucune différence par rapport aux solutions anciennes. Cela peut poser problème dans certains cas, notamment lors de circonstances aggravantes ® les circonstances aggravantes
personnelles à l’auteur ne s’étendent pas au complice ex : récidive, qualité professionnelle. La Cour de cassation semble néanmoins dans certains cas remettre ceci en cause cf. arrêt de la chambre criminelle du 7 septembre 2005 « sont applicables au complice les circonstances aggravantes liées à la qualité de l’auteur principal »
® les circonstances aggravantes réelles concernent les conditions dans lesquelles l’infraction a été commise. Elles s’étendent au complice qui encourt donc les peines aggravées qui en résultent, sauf dans quelques cas ex : parricide.
B/ autres moyens pour sanctionner la complicité
Dans un certain nombre de cas, un acte de complicité ne peut pas être pénalement réprimé sur le terrain de la complicité. C’est pourquoi la loi et la jurisprudence ont essayé de trouver des moyens de combler ces lacunes. La jurisprudence joue sur les notions de coauteur et de complice.
- le complice traité comme un coauteur. Dans certains cas, la jurisprudence retient la qualité de coauteur à quelqu’un qui n’a pas participé matériellement à l’infraction, notamment à des personnes qui ont par leur comportement montré qu’elles étaient pleinement solidaires avec l’auteur de l’infraction. La jurisprudence fait cela dans une finalité répressive pour sanctionner des personnes qui ne pourraient pas l’être sur le terrain de la complicité ex : contravention _ cf. arrêt de la chambre criminelle du 24 juin 1922.
- le coauteur traité comme un complice. C’est l’hypothèse de la complicité corespective. La jurisprudence considère que chaque coauteur aide nécessairement les autres à commettre l’infraction, et en devient donc le complice. La finalité est également répressive ex : violences volontaires commises par plusieurs personnes ayant entraîné a mort, mais on ne sait pas qui a porté le coup mortel.
Section 2 La responsabilité pénale du fait d’autrui
Cette situation supposerait qu’une personne ait matériellement réalisé une infraction mais une autre personne en serait reconnue pénalement responsable. Plusieurs principes du DP semblent directement s’opposer à cette possibilité : le principe de responsabilité du fait personnel cf. art. 121-1, le principe de la personnalité des peines. Pourtant, il existe certaines situations qui pourraient faire penser à première vue que la responsabilité pénale du fait d’autrui existe.
§ 1 Responsabilité non pénale du fait d’autrui
C’est l’hypothèse où une personne n’a pas commis l’infraction, n’a pas été condamnée, mais va pourtant devoir supporter les conséquences de l’infraction. C’est le cas notamment de l’employeur qui peut devoir payer l’amende de l’infraction commise par son préposé cf. art. L 263-2-1 du Code du travail _ cf. art. L 121-3 du Code de la route. Cette solution ne peut être retenue qu’en cas de peine d’amende. Elle est contraire au principe de la personnalité des peines, cependant elle ne constitue pas une responsabilité pénale du fait d’autrui puisque ce n’est pas la responsabilité pénale de l’employeur qui est mise en jeu.
§ 2 Responsabilité pénale du chef d’entreprise
Le chef d’entreprise n’a pas commis l’infraction mais comparaît devant la juridiction pénale, est jugé, condamné… C’est un salarié qui commet matériellement l’infraction mais le chef d’entreprise ne sera déclaré pénalement responsable. Cette solution est parfois envisagée par la loi cf. art. L 263-2 du Code du travail (manquements aux règles d’hygiène et de sécurité par les employés), mais de manière plus générale la jurisprudence considère que le chef d’entreprise est responsable pénalement pour toute violation d’une prescription réglementaire commise par un salarié de l’entreprise. C’est avant tout en matière d’hygiène et de sécurité du travail que ces règles sont appliquées. Ceci s’explique par la volonté de faire respecter cette réglementation afin de diminuer le nombre d’accidents du travail.
Il ne s’agit pas d’une responsabilité pénale du fait d’autrui mais bien d’une responsabilité personnelle du chef d’entreprise du fait d’un défaut de surveillance de sa part. il est prévu par les textes que s’il arrive à démontrer qu’il n’a pas commis de faute personnelle il peut s’exonérer de sa responsabilité, mais en pratique c’est extrêmement rare. C’est un régime de responsabilité très sévère, d’autant que le chef d’entreprise sera reconnu responsable tant des infractions non intentionnelles que des infractions intentionnelles de ses employés. Il existe cependant un mécanisme permettant d’atténuer cette sévérité : la délégation de pouvoirs. Le chef d’entreprise délègue à un subordonné une partie de ses pouvoirs et par là-même la responsabilité liée à l’exercice de ses pouvoirs. En cas d’infraction la responsabilité pénale du délégataire sera engagée, et non pas celle du chef d’entreprise. La jurisprudence a depuis longtemps admis ce procédé bien que la question de la responsabilité pénale relève de l’ordre public. Pour admettre la validité de ce procédé, la jurisprudence se fonde sur l’art. L 263-2 du Code du travail qui prévoit quelles sont les personnes pénalement responsables en cas de manquement aux règles d’hygiène et de sécurité du travail chef d’établissement, directeur, gérant ou préposé. Elle utilise un fondement d’opportunité : dans les grosses entreprises, le chef d’entreprise n’est pas humainement/matériellement capable de surveiller ses employés. Il délègue donc à des subordonnés qui doivent veiller au respect de la réglementation sur l’hygiène et la sécurité. Néanmoins, la délégation de pouvoirs n’exonérera le chef d’entreprise de sa responsabilité que si certaines conditions sont remplies ® taille de l’entreprise
supérieure à une petite entreprise appréciation souveraine du juge. En cas de délégation de pouvoir, la responsabilité pénale du délégataire est engagée dans les mêmes conditions que celle du chef d’entreprise
® délégation possible en fonction du domaine _ cf. arrêt de la chambre criminelle de 1993 « sauf exception, les matières où existe la responsabilité pénale du chef d’entreprise sont a priori délégables » _ ex d’exception : entraves au fonctionnement du CE
® délégation à une personne disposant de l’autorité, de la compétence et des moyens pour remplir sa mission
® délégation spéciale, limitée à un secteur précis.
La subdélégation est possible. La délégation de pouvoir étant un moyen de défense pour le chef d’entreprise, c’est à lui d’en faire la preuve.
En matière pénale, il n’existe pas de responsabilité du fait d’autrui.
Chapitre 2 Responsabilité pénale des personnes morales
Sous l’empire de l’ancien CP, le principe était celui de l’irresponsabilité pénale des personnes morales. On engageait la responsabilité des dirigeants personnes physiques en cas d’infraction commise dans le cadre de l’activité d’une personne morale. L’argument principal en faveur de cette irresponsabilité tenait au caractère fictif des personne morales ex : problème quant à l’imputabilité. Les partisans de la responsabilité ont répondu à cet argument en disant qu’il est faux de voir en les personnes morales une simple abstraction : elles ont une existence propre qui se manifeste par des structures concrètes d’où se dégage une volonté qui est propre à la personne morale, distincte de la volonté des personnes physiques qui composent ses structures. Il se peut que cette volonté soit tendue vers la délinquance, il faut donc pouvoir retenir la responsabilité de la personne morale Þ théorie de la réalité des personnes morales.
C’est la théorie de la réalité des personnes morales qui a été consacrée par la jurisprudence cf. arrêt de la chambre civile du 28 janvier 1954. Peu à peu la doctrine y a également été favorable, et finalement la loi cf. art. 121-2 CP 1992.
Section 1 Domaine de la responsabilité des personnes
morales
§ 1 Domaine quant aux personnes morales pénalement responsables
A/ personnes morales dont la responsabilité pénale peut être engagée
- principe général de responsabilité cf. art. 121-2. Toutes les personnes morales de droit privé, qu’elles aient un but lucratif ex : sociétés commerciales ou non ex : associations, ou de droit public ex : établissements publics, entreprises nationalisées, GIP, collectivités territoriales, à l’exception de l’Etat, peuvent voir leur responsabilité pénale engagée, ce qui est conforme au principe d’égalité devant la loi.
- le cas des collectivités territoriales. Ce sont des personnes morales de droit public responsables pénalement selon certaines conditions cf. art. 121-2 al. 2. Elles ne sont responsables pénalement que des infractions commises dans l’exercice d’activités susceptibles de faire l’objet de conventions de délégation de service public. La délégation de service public est le contrat par lequel une personne morale de droit public confie la gestion d’un service public dont elle a la responsabilité à un délégataire public ou privé ex : une commune confie le service de ramassage des ordures à une entreprise privée. Une infraction commise dans ce cadre engage la responsabilité de la collectivité territoriale. Les activités liées aux prérogatives de puissance publique des collectivités territoriales, accomplies au nom et pour le compte de l’Etat qui n’est pas pénalement responsable, ne peuvent pas engager la responsabilité des collectivités territoriales ex : état civil, élections, police administrative, service public de l’enseignement public… En pratique, toute la difficulté sera de savoir si l’activité en cause est ou non une activité délégable ex d’activités non délégables : police administrative cf. arrêt de la CA d’Amiens du 9 mai 2000 ; animation de classes découvertes par les services socio-éducatifs d’une ville cf. arrêt de la chambre criminelle du 12 décembre 2000 _ ex d’activités délégables (cf. circulaire du 4 mai 1993) : transports en commun, cantines scolaires, ramassage des ordures ménagères, distribution d’eau… cf. arrêt de la chambre criminelle du 3 avril 2002 (homicide involontaire dans le cadre de l’exploitation en régie d’un théâtre).
B/ personnes morales dont la responsabilité ne peut pas être engagée
- l’Etat. C’est une personne morale de droit public mais qui est exclue du champ de la responsabilité pénale car cela aurait conduit à mettre l’ensemble des activités administratives sous le contrôle du JP. De plus, l’Etat a le monopole de la sanction pénale donc retenir sa responsabilité pénale n’aurait pas eu de sens.
- les autres cas. La loi vise la responsabilité des personnes morales. Les groupements n’ayant pas la personnalité morale ne peuvent donc pas voir leur responsabilité engagée ex : sociétés de fait, groupes de sociétés, sociétés en participation. Les sociétés n’ont la personnalité morale qu’à partir du moment où elles ont été immatriculées au registre des sociétés. Tant que cette formalité n’est pas accomplie, elles ne peuvent donc pas être pénalement responsables. Les personnes morales étrangères sont responsables en France, mais si elles n’ont pas d’établissement en France il y aura des difficultés pour leur faire exécuter leur peine. Une société absorbée par une autre suite à une fusion n’engage pas la responsabilité de la société absorbante en cas d’infraction commise avant la fusion : la responsabilité pénale des personnes morales est une responsabilité du fait personnel cf. arrêt de la chambre criminelle du 20 juin 2000.
Le principe d’égalité des personnes morales devant la loi n’est pas absolu puisque les personnes morales de droit public sont mieux traitées que celles de droit privé, dans les textes comme dans les faits cf. en 2001 : 881 condamnations de personnes morales de droit privé contre 25 personnes morales de droit public.
§ 2 Domaine quant aux infractions imputables
A/ la solution retenue par le CP 1992
Pour les personnes physiques, il existe un principe général de responsabilité. Pour un certain nombre de raisons, le législateur a retenu un principe de spécialité concernant les personnes morales : leur responsabilité ne peut être retenue que pour les infractions pour lesquelles la loi ou le règlement prévoit expressément cette possibilité cf. art. 121-2 « les personnes morales sont responsables pénalement dans les cas prévus par la loi ou le règlement ».
B/ la solution nouvelle
La solution retenue par le CP présentait un certain nombre d’inconvénients puisque certaines infractions ne sont pas dans le CP et ne pouvaient donc pas être retenues dans le cadre de la responsabilité des personnes morales. Le législateur était donc obligé de faire des lois particulières pour préciser que telle infraction peut être retenue contre une personne morale. Pour régler cette difficulté, les personnes morales sont désormais pénalement responsables de toutes les infractions qui existent dans notre DP cf. loi du 9 mars 2004 puisque l’expression « dans les cas prévus par la loi ou le règlement » de l’art. 121-2 a été abrogée. Il subsiste néanmoins une exception : les infractions prévues par les articles 42 et 43 de la loi du 29 juillet 1981 sur la presse.
En pratique, on se rend compte que la responsabilité pénale des personnes morales est plus particulièrement engagée dans certaines infractions cf. en 2002 : 1369 condamnations dont 469 pour travail clandestin, 232 pour homicides et blessures involontaires, 283 en matière de prix et concurrence, 95 en matière d’environnement, 95 pour infractions fiscales, 58 pour abus de confiance ou escroquerie.
Section 2 Mise en œuvre de la responsabilité pénale
Il ne faut évidemment pas s’attendre à voir une personne morale commettre matériellement l’infraction. Sous quelles conditions une infraction ayant été matériellement commise par une personne physique va engager la responsabilité pénale d’une personne morale à la place ou en plus de la responsabilité de la personne physique ?
§ 1 Conditions de la responsabilité pénale des personnes morales
A/ nécessité d’une infraction commise par un organe ou un représentant
La personne physique qui a matériellement commis l’infraction doit impérativement avoir soit la qualité d’organe, soit la qualité de représentant de la personne morale. La notion d’organe s’applique aux personnes morales pour lesquelles la loi a fixé le cadre de leur organisation ex : sociétés commerciales (SA, SARL : les organes sont le président, le gérant, le Conseil d’administration, l’assemblée générale…), personnes morales de droit public (maire, conseil municipal, président du Conseil général…). La notion de représentant, lorsqu’elle ne se confond pas avec celle d’organe, s’applique aux personnes morales dont l’organisation n’a pas été définie par la loi ex : associations civiles. Les fondateurs de la personne morale doivent donc dans ses statuts désigner les personnes ayant qualité de représentants.
Une personne physique qui n’est ni organe ni représentant qui a commis une infraction n’engage pas la responsabilité pénale de la personne morale ex : employés, salariés d’une société commerciale. Certaines difficultés se posent pour quelques catégories de personnes ® le délégataire de pouvoirs doit être considéré comme un représentant
de la personne morale cf. arrêt de la chambre criminelle du 9 novembre 1999. La délégation n’est donc pas un moyen d’exonération pour al personne morale contrairement au chef d’entreprise
® le dirigeant de fait dirige la société à la place des dirigeants de droit et engage donc la responsabilité de la personne morale.
B/ nécessité d’une infraction commise « pour le compte » de la personne morale
C’est une condition cumulative avec la première : si un organe ou représentant a commis une infraction pour son propre compte, i.e. dans son intérêt personnel, il n’engage pas la responsabilité de la personne morale. L’infraction doit entraîner un profit pour la personne morale mais ce n’est pas le seul critère. La jurisprudence admet très facilement que l’infraction a été commise pour le compte de la personne morale : il suffit que l’organe ou représentant ait agi dans l’exercice de ses fonctions, ou qu’il y ait un lien entre l’infraction et l’activité de la personne morale.
§ 2 Nature de la responsabilité pénale des personnes morales
A/ ni une responsabilité directe, ni une responsabilité autonome
La responsabilité des personnes morales est conditionnée à la commission d’une infraction par une personne physique, organe ou représentant, et se calque sur la responsabilité de cette personne physique ex : si la personne physique est auteur, la personne morale l’est également ; si la personne physique commet une tentative, la personne morale également. Il résulte de cette exigence deux conséquences dans la jurisprudence ® la chambre criminelle casse les décisions retenant la
responsabilité pénale d’une personne morale sans avoir caractérisé la participation d’un organe ou représentant à la réalisation de l’infraction cf. arrêt du 18 janvier 2000
® la chambre criminelle casse les décisions recherchant la présence des éléments constitutifs de l’infraction directement dans la personne morale elle-même. C’est donc dans la personne de l’organe ou représentant qu’il convient de rechercher ces éléments, y compris l’élément moral ex : des faux documents produits devant le juge par le directeur général d’une société constituent un délit intentionnel et engagent la responsabilité de la personne morale car « cette société ne pouvait pas ignorer que les documents produits en justice étaient faux » Þ cassation par la chambre criminelle « c’est dans la personne de l’organe que les juges auraient dû rechercher la présence de la faute » _ cf. arrêt du 2 décembre 1997.
La responsabilité de la personne morale est donc une responsabilité personnelle qui a la particularité de n’être ni directe ni autonome. Elle n’est pas directe car la présence de l’infraction et de ses éléments constitutifs ne doit pas être recherchée dans la personne morale elle-même. Elle n’est pas non plus autonome puisqu’elle suppose une infraction commise par un organe ou représentant. Elle ne constitue pas pour autant une hypothèse de responsabilité du fait d’autrui puisque l’organe ou représentant n’est pas autrui par rapport à la personne morale et n’exprime donc pas une volonté qui lui est propre mais bien la volonté de la personne morale.
La responsabilité des personnes morales est donc bien une responsabilité personnelle mais une responsabilité du fait personnel par représentation, ou encore responsabilité par ricochet ou responsabilité-reflet.
B/ une responsabilité par représentation
Les éléments constitutifs de l’infraction doivent être recherchés dans la personne de l’organe ou représentant. Cette exigence est une condition à la fois nécessaire et suffisante : la faute de l’organe suffit à engager la responsabilité de la personne morale.
[…]
Section 3 Exercice de la répression
§ 1 Le possible cumul des poursuites
A/ la solution de principe
B/ la solution particulière
§ 2 Les peines encourues
TITRE II LES CAUSES D’IRRESPONSABILITE
Chapitre 1 Les causes subjectives d’irresponsabilité
Section 1 La minorité
§ 1 Les mineurs de moins de 10 ans
A/ les moins de 10 ans non discernants
B/ les moins de 10 ans discernants
§ 2 Les mineurs de plus de 10 ans
A/ les 10/13 ans
B/ les 13/18 ans
Section 2 Le trouble psychique
§ 1 La notion de trouble psychique
A/ domaine
B/ constatation
[…]
Troisième condition du trouble psychique : son intensité. L’ancien CP avait retenu un système du « tout ou rien » dans la mesure où soit la démence était totale donc irresponsabilité pénale, soit elle ne l’était pas cas des « demi-fous » : responsabilité pénale. En pratique, on avait pour habitude d’attribuer aux « demi-fous » des circonstances atténuantes. Ce système était très critiqué car il ne permettait pas de prendre en compte la situation particulière de ces « demi-fous », notamment pour les soigner. En pratique, l’administration pénitentiaire essayait d’envoyer ces personnes dans des établissements pénitentiaires spécialisés.
Le CP 1992 présente une innovation puisque la situation particulière est prise en compte par la loi cf. art. 122-1 al. 2. Cependant, cette disposition est assez décevante puisque ces personnes demeurent punissables mais la loi précise que « la juridiction doit tenir compte de [cette altération de discernement] lorsqu’elle détermine la peine ». En pratique, bien souvent, cette situation peut être retenue pour appliquer des peines plus fortes à la personne, ce qui peut paraître critiquable. Concernant le régime de la peine, les personnes seront accueillies par des établissement pénitentiaires disposant des installations et matériels nécessaires pour les soigner.
§ 2 Les effets du trouble psychique
A/ au niveau de la responsabilité pénale
La personne atteinte d’un trouble psychique n’est pas pénalement responsable. Les poursuites engagées contre cette personne doivent donc s’arrêter Þ instruction : non-lieu _ jugement : relaxe/acquittement. En principe, de moins en moins d’irresponsabilités pénales sont prononcées sur le fondement du trouble psychique puisque les experts sont de moins en moins enclins à reconnaître ce trouble. Il y a donc de plus en plus de personnes aliénées mentales en prison, ce qui est évidemment critiquable. D’un autre côté, le nombre de places dans les établissements psychiatriques est de plus en plus réduit.
La personne sort du système pénal une fois que son irresponsabilité pénale est prononcée. Le relais est néanmoins pris par l’autorité administrative, plus précisément le préfet qui peut décider une hospitalisation d’office de la personne dans un établissement de soins. La sortie pourra se faire une fois la personne soignée, sur décision du préfet.
B/ au niveau de la responsabilité civile
Pendant très longtemps on a considéré que le dément échappait également à sa responsabilité civile, mais en pratique cette situation s’est révélée injuste pour les victimes qui ne pouvaient pas obtenir réparation de leur préjudice. Le législateur est donc intervenu cf. loi du 3 janvier 1968, art. 489-2 du CC, imposant la responsabilité civile du dément.
Section 3 La contrainte
Elle fait disparaître la volonté de l’individu et fait donc ainsi obstacle à l’imputabilité. L’individu sait qu’il commet une infraction, mais un fait pesant sur lui abolit sa volonté et le conduit malgré tout à commettre cette infraction cf. art. 122-2. La contrainte fait donc disparaître la responsabilité pénale, mais également la responsabilité civile.
La contrainte peut prendre des formes différentes puisqu’elle peut être physique ou morale, interne ou externe. De manière générale, la jurisprudence est tout de même assez réticente à retenir cette cause d’irresponsabilité. Comme tout moyen de défense, la contrainte doit être prouvée par celui qui l’invoque.
§ 1 La contrainte physique
A/ les hypothèses de contrainte physique
- contrainte physique externe. Le fait abolissant la volonté de l’agent est un fait d’ordre physique qui lui est extérieur ex : fait de la nature (automobiliste dérapant sur une plaque de verglas et provoquant un accident mortel _ cf. arrêt de la chambre criminelle du 11 avril 1970), fait de l’homme (pendant le Tour de France, au cours d’un sprint un coureur a heurté un photographe et l’a tué _ cf. arrêt de la chambre criminelle du 5 janvier 1957), fait des animaux (troupeau attaqué par des loups).
- contrainte physique interne. Ici, le fait est toujours physique mais propre à l’agent : il s’agit de la maladie ex : malaise au volant entraînant une perte de connaissance provoquant un accident.
B/ les conditions d’efficacité de la contrainte physique
Elles sont relativement strictes ® irrésistibilité du fait. Le fait de contrainte doit avoir
entraîné une impossibilité absolue de se conformer à la loi. A partir de là, si le fait n’a entraîné que des difficultés à se conformer à la loi, même importantes, la responsabilité de l’agent sera retenue puisque sa volonté n’est pas abolie. Le juge du fond doit démontrer l’impossibilité pour le délinquant de se conformer à la loi ex : suite à un malaise, une femme enceinte conductrice s’est arrêtée mais malheureusement sur un emplacement réservé aux handicapés. Le juge du fond l’a relaxée, l’arrêt est cassé car la justification était insuffisante _ cf. arrêt de la chambre criminelle du 15 novembre 2006. L’appréciation se fait traditionnellement in abstracto mais le CP semble avoir tranché pour une appréciation in concreto cf. art. 122-2
® imprévisibilité du fait. Il apparaît dans un certain nombre de décisions de la chambre criminelle que les juges refusent la contrainte au motif que le fait était prévisible pour l’agent. Il y a donc faute à ne pas avoir prévu ce qui était prévisible, ou si on l’a prévu il y a faute à ne pas l’avoir empêché ex : un automobiliste a un malaise au volant et cause un accident : pas de contrainte car le malaise est dû à l’état pathologique de la personne qui en avait connaissance _ cf. arrêt de la chambre criminelle du 8 mai 1974. L’exigence de cette condition est critiquée car elle n’est pas posée par la loi et de plus elle impose de se poser avant le moment de l’infraction pour en apprécier l’imputabilité. La voie moyenne consiste à tenir compte de cette condition uniquement pour les infractions non intentionnelles puisqu’elle recouperait ainsi la faute de négligence.
§ 2 La contrainte morale
Les conditions d’efficacité sont les mêmes que pour la contrainte physique. La jurisprudence est cependant beaucoup plus restrictive pour admettre la contrainte morale.
A/ contrainte morale externe
Une contrainte morale joue sur la psychologie de l’agent. Lorsqu’elle est externe, elle consiste en des pressions exercées sur l’agent. Lorsque ces pressions sont exercées par la famille, la femme, l’employeur… de l’individu, la jurisprudence estime qu’elles ne sont pas assez fortes pour pouvoir retenir la contrainte morale. Mais dans certains cas où ces pressions apparaissent beaucoup plus importantes, la jurisprudence ne reconnaît pas non plus la contrainte morale ex : en temps de guerre, un soldat fournit des renseignements à l’ennemi pour éviter l’exécution d’otages : pas de contrainte morale _ cf. arrêt de la chambre criminelle du 20 avril 1934.
B/ contrainte morale interne
Elle n’est jamais retenue car elle est liée aux passions, émotions, convictions de l’agent, ce qui caractérise tous les délinquants ex : Témoins de Jéhovah refusant, pour des raisons religieuses, les transfusions sanguines : non-assistance à personne en danger.
Section 4 L’erreur
Elle se distingue des autres causes subjectives d’irresponsabilité car il ne s’agit pas d’une cause de non-imputabilité mais d’une cause de non-culpabilité.
§ 1 L’erreur de fait
Elle porte sur la matérialité des faits : l’agent a une perception inexacte de la réalité.
A/ dans les infractions intentionnelles
- l’erreur de fait exclut la culpabilité de l’agent. En matière d’infraction intentionnelle, la culpabilité prend la forme d’une faute intentionnelle donc volonté de produire des effets dommageables. Lorsque du fait de l’erreur l’agent n’avait pas l’intention d’obtenir le résultat interdit par la loi ex : un individu est poursuivi pour détournement de mineurs mais il avait toutes les raisons de croire que la jeune femme, du fait de son apparence, était majeure : relaxe _ cf. arrêt de la chambre criminelle du 6 novembre 1963. L’erreur est admise même si elle n’est pas invincible = irrésistible et imprévisible, i.e. même si à l’origine de cette erreur se trouve une faute de l‘agent. Elle est appréciée in concreto.
- l’erreur de fait ne fait que modifier la culpabilité de l’agent. Un changement de qualification de l’infraction commise va donc avoir lieu du fait de l’erreur.
- l’erreur ne joue aucun rôle. Malgré l’erreur, la culpabilité de l’agent subsiste x : erreur sur l’identité de la personne, erreur dans l’exécution de l’infraction.
B/ dans les infractions non intentionnelles
L’erreur de fait n’a aucune incidence puisqu’elle est le signe-même d’une imprudence ex : un chasseur nettoie son fusil sans savoir qu’il est encore chargé et tue sa femme.
§ 2 L’erreur de droit
L’agent ne savait pas que son acte constituait une infraction. Cette erreur a toujours posé problème : pendant longtemps elle n’a pas constitué une cause d’impunité mais le CP de 1992 l’a consacrée.
A/ reconnaissance de l’erreur de droit
Pendant très longtemps l’erreur de droit ne permettait pas d’exonérer l’agent puisque « nul n’est sensé ignorer la loi ». Bien évidemment, cette présomption n’est qu’une fiction mais elle est nécessaire. Néanmoins, ne jamais reconnaître l’erreur de droit a été très critiqué.
Le CP de 1992 a donc assoupli cette situation en admettant l’erreur de droit cf. art. 122-3, dans des conditions cependant très restrictives.
B/ conditions
- nature de l’erreur. Une erreur invincible est exigée. La loi semble plutôt inciter à une appréciation in concreto mais la logique serait d’avoir une appréciation in abstracto, solution pour laquelle semble pencher la jurisprudence ex : étranger commettant une infraction en France : responsabilité pénale retenue. L’erreur de droit doit être prouvée par celui qui l’invoque.
- hypothèses d’application. Il existe deux hypothèses principales ® information
erronée donnée à l’agent. Une personne veut faire quelque chose mais elle ne sait pas s’il s’agit ou non d’une infraction. Elle demande donc conseil à une autorité sensée dire le bon droit. Celle-ci se trompe, l’agent commet donc une infraction. L’erreur de droit peut être retenue à la condition que l’autorité consultée ne soit pas une personne privée, même s’il s’agit d’un professionnel du droit, d’autant plus que lorsque le problème porte sur le sens d’une décision judiciaire la personne peut saisir la juridiction qui a rendu cette décision pour qu’elle l’interprète. L’autorité saisie doit donc être une autorité publique cf. arrêts de la chambre criminelle des 24 novembre 1998 et 11 mai 2006 mais l’erreur de droit ne sera pas toujours retenue cf. arrêt de la chambre criminelle du 19 mars 1997
® défaut de publication du texte.
Lorsqu’elle est admise, l’erreur de droit est une cause d’irresponsabilité pénale mais pas d’irresponsabilité civile.
Chapitre 2 Les causes objectives d’irresponsabilité
Elles sont souvent qualifiées dans la doctrine de faits justificatifs, ce qui souligne que le fait qui a été commis, et qui normalement constitue une infraction, va être justifié par une des causes objectives, et donc considéré comme un acte conforme au droit du fait des circonstances. L’effet est donc beaucoup plus important que pour les causes subjectives d’irresponsabilité puisque le fait perd son caractère délictueux.
Il existe des faits justificatifs généraux, qui pourront jouer quelle que soit l’infraction commise, et spéciaux, qui e jouent que pour certaines infractions particulières ex : fait justificatif de la diffamation = les faits révélés sont exacts. Sous l’empire de l’ancien CP la jurisprudence a joué un rôle primordial puisqu’elle a étendu le domaine d’application de certains faits justificatifs spéciaux, et a créé le fait justificatif de l’état de nécessité. Le CP de 1992 a consacré toute cette jurisprudence.
Section 1 Ordre de la loi et commandement de l’autorité
légitime
Ce fait justificatif était prévu par l’ancien CP mais uniquement en matière d’homicide et de coups et blessures. D’autre part, la justification n’était possible que si les deux conditions ordre de la loi et commandement de l’autorité légitime étaient réunies. Le CP de 1992 cf. art. 122-4 a généralisé la portée de ce fait justificatif et a dissocié les deux conditions. En pratique, le plus souvent on retrouve les deux circonstances, le commandement n’est donc pas très important puisqu’il résulte de la loi. Mais il peut y avoir commandement en-dehors de la loi.
§ 1 Ordre de la loi ou du règlement cf. art. 122-4
Un individu a commis une infraction parce que la loi ou le règlement lui a ordonné ou le lui a autorisé.
A/ domaine de l’ordre et de l’autorisation de la loi et du règlement
- valeur justificative de l’ordre. C’est un fait justificatif qui peut surprendre car il s’agit de la situation où la loi ordonne à un individu de commettre un fait qualifié d’infraction par une autre loi. C’est cependant une situation assez fréquente ® dans l’activité
des policiers et magistrats. Le plus souvent, les actes d’enquête constituent des infractions ex : perquisition = violation de domicile + vol (saisie) ; détention provisoire = privation de liberté pour lesquelles les policiers/magistrats ne seront évidemment pas poursuivis. En revanche, lorsque dans le cadre de son activité un policier/gendarme est contraint de recourir à la force armée cela pose plus de difficultés. Cette autorisation est textuellement prévue cf. art. 174 du décret du 20 mai 1903 mais selon les circonstances d’utilisation de l’arme, l’homicide ou les blessures occasionnés peuvent être soit volontaires soit involontaires ex : course-poursuite. C’est cette deuxième situation qui pose problème puisque la question se pose de savoir si la justification de l’ordre de la loi peut jouer en présence d’une infraction involontaire. Cela peut, à première vue, sembler contraire à la logique de l’art. 122-4 on ne peut pas ordonner à un individu de faire quelque chose d’involontaire, d’autant que celui-ci ne peut pas légitimer n’importe quelle infraction uniquement justification des infractions nécessaires et proportionnées par rapport à l’ordre, caractère difficile à évaluer dans le cadre d’une infraction involontaire. Certains considéraient donc que les infractions involontaires ne pouvaient pas être justifiées par l’art. 122-4, ce qui n’est pas la position de la chambre criminelle qui estime que l’ordre de la loi joue également pour les infractions involontaires cf. arrêt de la chambre criminelle du 5 janvier 2000 : relaxe d’un gendarme des poursuites d’homicide involontaire dans le cadre d’une course-poursuite. Néanmoins, elle insiste sur l’évaluation des caractères de nécessité et de proportionnalité de l’infraction cf. arrêt de la chambre criminelle du 18 février 2003
® dans le cas de simples particuliers ex : méconnaissance du secret médical (maladie contagieuse…) cf. art. 226-14 ; arrêt ou limitation d’un traitement inutile et ayant pour effet ou objet de maintenir artificiellement le malade en vie cf. loi du 22 avril 2005 sur la fin de vie (art. L 1110-5 al. 2 du Code de la santé publique) ; l’obligation de porter secours à une personne en danger pesant sur tout citoyen justifie toutes les infractions commises à cette occasion.
- valeur justificative de l’autorisation. L’autorisation signifie que l’agent a un pouvoir d’appréciation, c’est lui qui va décider de commettre ou non une infraction. S’il choisit de commettre l’infraction, il bénéficiera de la justification de l’art. 122-4
® autorisation expresse ex : violation du secret professionnel ; atteinte volontaire à l’intégrité physique d’une personne par opération chirurgicale
® autorisation implicite. La loi n’autorise pas expressément la commission d’une infraction, mais l’autorisation résulte implicitement de l’existence de textes contradictoires ex : arrestation par tout citoyen d’un délinquant qui commet un flagrant délit cf. art. 73 du CPP cf. arrêt de la chambre criminelle du 28 mars 2006 ; atteintes à l’intégrité physique d’une personne dans le cadre d’une pratique sportive (rugby, boxe…)
® consécration par la loi d’une coutume consistant en un acte illicite cf. art. 521-1 (courses de taureaux, combats de coqs…)
B/ limites à la justification
On considère qu’un ordre ou une autorisation contenu dans un règlement peut justifier la commission d’une contravention car un règlement peut créer des contraventions mais pas celle d’un crime ou délit domaine de la loi. Il semble néanmoins que certains règlements peuvent justifier la commission d’un crime ou délit : les règlements d’application ou subordonnés. S’agissant de la loi, on serait tenté de raisonner de la même manière, mais la loi peut servir à justifier la commission d’un crime ou délit comme d’une contravention.
Puisque seule la loi pénale peut créer une infraction, la possibilité qu’une loi civile puisse justifier la commission d’une infraction pénale semble exclue ex : reconnaissance du viol entre époux, à l’encontre du devoir conjugal prévu par le CC.
Dans certaines hypothèses, l’agent, pour justifier l’infraction qu’il a commise, peut invoquer une autorisation administrative. Cependant, dans ces cas la jurisprudence considère de manière constante que l’autorisation administrative ne constitue pas une justification cf. principe de séparation des pouvoirs _ cf. jugement du tribunal correctionnel de la Seine du 19 décembre 1957. La simple tolérance administrative ne constitue pas non plus une cause de justification.
L’ordre de la loi ne peut pas valoir justification en cas de crime contre l’humanité cf. art. 213-4. Les juges ne pourront en tenir compte que pour la détermination de la peine.
§ 2 Le commandement de l’autorité légitime
Très souvent, commandement de l’autorité légitime et ordre de la loi sont liés. Néanmoins, dans certaines conditions le commandement peut en lui-même valoir justification.
A/ nécessité d’une autorité légitime
cf. art. 122-4 al. 2 Ce peut être une autorité civile ou militaire, qui dispose légalement du pouvoir de commander l’exécution des lois. Lorsque le commandement est donné par une autorité privée ex : employeur il ne constitue pas une justification pour celui qui a commis l’infraction. Dans ce cas, on peut éventuellement penser à se fonder sur la justification de la contrainte mais les chances de succès sont très rares.
B/ légalité du commandement
Lorsque le commandement est légal, l’agent qui l’a exécuté va échapper à la répression pénale. Cela ne pose pas de problème puisqu’il s’agit de la situation où commandement et ordre de la loi sont étroitement liés.
Lorsque le commandement est illégal, plusieurs systèmes ont été élaborés par la doctrine ® système de l’obéissance passive. Pour des raisons d’efficacité,
notamment dans le cadre de l’armée, il est indispensable que le subordonné obéisse à tous les ordres sans les discuter, qu’ils soient légaux ou non. Le subordonné est donc toujours justifié. C’est un système qui est dangereux car le subordonné, sûr de son impunité, va obéir à n’importe quel ordre, même manifestement illégal
® système des « baïonnettes intelligentes ». le subordonné peut, et même doit critiquer les ordres reçus de son supérieur. Si un ordre paraît illégal, il doit donc refuser de l’exécuter. S’il ne le fait pas, c’est alors le signe qu’il s’associe à cet ordre illégal et sa responsabilité pénale sera engagée. C’est un système qui peut se révéler inéquitable car il se peut qu’un subordonné ne soit pas en mesure d’apprécier la légalité ou l’illégalité de l’acte. De plus, c’est un système qui se concilie mal avec l’exigence de discipline qui peut parfois exister, notamment dans l’armée
® système intermédiaire. Il tient compte du degré d’illégalité du commandement. Lorsque l’illégalité est manifeste, le subordonné ne doit pas l’exécuter sous peine de voir sa responsabilité pénale engagée. Lorsque l’illégalité n’est pas manifeste, l’agent qui aura exécuté le commandement sera justifié.
C’est ce troisième système qui a été retenu par le CP de 1992. Le principe est donc que le commandement illégal vaut justification – seule l’autorité sera donc responsable –, mais si l’illégalité est manifeste il n’y a pas de justification – le subordonné qui a exécuté ce commandement engage sa responsabilité pénale. L’exécutant sera donc dans ce cas l’auteur matériel de l’infraction, et l’autorité légitime complice par instruction.
En pratique, la difficulté est de définir si l’illégalité du commandement est ou non manifeste cf. arrêt de la chambre criminelle du 13 octobre 2004 (paillotes corses).
En aucun cas un commandement ne peut justifier un crime contre l’humanité cf. art. 213-4.
Le commandement de l’autorité légitime va entraîner la justification dans deux cas ® sa légalité est réelle
® il est illégal mais a une apparence telle que l’agent a pu sérieusement croire à sa légalité.
Section 2 La légitime défense cf. art. 122-5
Il existe des différences mais également des convergences entre ordre de la loi et légitime défense. Avec la première, la personne accomplit un devoir, alors qu’avec la légitime défense elle exerce un droit, celui de se défendre en étant victime d’une agression injuste. Mais finalement, à partir de là la légitime défense n’est qu’une variante de l’autorisation de la loi. La légitime défense constitue une dérogation au principe selon lequel nul ne peut se faire lui-même justice. Son fondement a varié au fil du temps, il en apparaît deux ® fondement à caractère individuel. La personne qui
est agressée et donc se défend, réagit par une sorte de réflexe = instinct de conservation. Sa liberté morale, sa volonté ont alors été abolies. Cette analyse conduit à assimiler la légitime défense à la contrainte, faisant ainsi disparaître l’élément moral de l’infraction et devant alors être considérée comme une cause subjective d’irresponsabilité. En cas de commission de l’infraction à plusieurs, seule la personne en état de légitime défense échappera à la répression pénale
® fondement à caractère général. On considère dans nos sociétés modernes que c’est à l’Etat qu’il appartient de prendre en charge la sécurité des citoyens. Lorsque l’Etat ne remplit pas cette mission, ce qui est le cas lorsqu’une personne est injustement agressée, c’est alors aux citoyens de se substituer à l’autorité publique défaillante. Faisant cela, i.e. assurant leur sécurité lorsque l’Etat est défaillant, ils contribuent au maintien de l’ordre public et ne commettent donc pas d’infraction. L’infraction disparaît, l’acte perd son caractère délictueux. Tous ses participants bénéficient de cette impunité.
C’est la seconde conception qui s’est imposée puisque désormais la légitime défense est considérée comme une cause objective d’impunité, impunité qui bénéficie à tous les participants à l’infraction. Sous l’empire du CP de 1810, la légitime défense n’était prévue que pour certains cas particuliers. La jurisprudence avait étendu son champ d’application, et le CP de 1992 l’a consacrée. Il est cependant relativement difficile d’obtenir l’impunité sur ce terrain puisque les conditions de la légitime défense sont nombreuses et doivent toutes être remplies.
§ 1 Conditions d’existence de la légitime défense
A/ conditions de l’agression justificative
- une agression injuste. Si l’agression est couverte par la loi, i.e. autorisée ou ordonnée par la loi, la riposte ne pourra pas être justifiée sur le terrain de la légitime défense. Ici, l’agression est elle-même justifiée par un fait justificatif = ordre ou autorisation de la loi.
Cette condition peut poser des problèmes ® celui qui est justifié par la loi pour
commettre une agression en profite pour se livrer à des actes illégaux ex : un policier frappe sans nécessité un délinquant qu’il arrête. Dans ce cas, la jurisprudence exige un acte manifestement illégal pour que la légitime défense soit admise, ce qui est très rarement le cas. Les actes de l’autorité publique bénéficient d’une présomption de régularité. Cette sévérité se comprend quant à la nécessité de maintien de stabilité de la société
® la personne agressée a elle-même commis une faute antérieure, à l’origine de l’agression qu’elle subit ex : un premier automobiliste insulte un deuxième qui, en réponse, le menace d’une arme. Face à ce danger, le premier tue le deuxième. Dans ce cas de figure, on considère malgré tout que l’agression est injuste à partir du moment où elle est disproportionnée par rapport à la faute. Cette disproportion rendant l’agression injuste, celui qui s’en défend pourra bénéficier de la légitime défense.
- une agression grave ® légitime défense des personnes. Aucune exigence quant
à la gravité de l’agression, il n’est notamment pas exigé que l’agression constitue une infraction pénale cf. art. 122-5 al. 1er mais en pratique, le plus souvent c’est le cas. La légitime défense peut être reconnue aussi bien quand l’agression crée un danger physique qu’un danger moral ex : une mère de famille a giflé une jeune femme qui compromettait la moralité de son fils _ cf. jugement du tribunal de police de Valence du 19 mai 1960. La seule limite pourrait être lorsque l’agression constitue une atteinte à l’honneur de la personne. La jurisprudence semble hésiter sur ce point. La légitime défense est admise aussi bien lorsque l’agression concerne la personne qui a riposté que lorsqu’elle concerne autrui
® légitime défense des biens cf. art. 122-5 al. 2 La légitime défense n’est légitime que si elle vise à interrompre l’exécution d’un crime ou délit contre un bien. Si l’agression constitue une contravention contre un bien, la légitime défense ne sera donc pas admise ex : dégradation légère contre un bien _ cf. art. R 637-1.
- une agression actuelle. Pour la légitime défense des personnes comme pour celle des biens, la riposte doit se faire dans le même temps que l’agression. Le danger doit donc être imminent, la personne en état d’urgence. La légitime défense est un droit reconnu au citoyen de se défendre lui-même en cas de défaillance des autorités publiques. Elle n’est donc possible que si l’individu n’a pas le temps d’appeler la police. Si un délai assez long s’écoule entre l’agression et la riposte, la légitime défense ne peut donc pas jouer. Trois cas de figure peuvent se présenter ® le danger est passé/l’agression est
terminée. La riposte ne pourra pas bénéficier de la légitime défense puisqu’elle ne constituait ici qu’un acte de vengeance.
® le danger futur/éventuel : la personne se sent menacée, de manière préventive elle exerce des violences contre la personne qu’elle estime dangereuse. Dans ce cas, la légitime défense ne sera pas retenue. La personne devrait alors prévenir la police ou prendre des précautions ex : se munir d’une arme : si l’agression a bien lieu et qu’elle tue son agresseur la légitime défense sera retenue (pas de préméditation)
® le danger imaginaire : la personne se croit menacée et elle riposte. C’est la légitime défense putative pour laquelle il faut distinguer selon deux situations · des indices ou présomptions ont pu
raisonnablement faire croire à la personne qu’elle était en danger. Dans ce cas, la légitime défense pourra être retenue car le danger, sans être réel, était vraisemblable
· le danger est totalement imaginaire : pas de légitime défense.
B/ conditions de la défense justifiée
- une défense nécessaire. C’est valable pour la légitime défense des personnes et des biens mais la loi est plus rigoureuse dans le second cas. Si la personne qui est menacée peut se soustraire au danger par un autre moyen que la commission d’une infraction, elle doit utiliser ce moyen. De même, si elle a le temps d’appeler la police elle doit le faire. Dans le cas où l’agresseur est un enfant, un infirme ou une personne atteinte d’un trouble psychique, la majorité de la jurisprudence s’accorde à dire que la « victime » doit s’enfuir.
- mesure de la légitime défense. L’acte de défense doit reprendre deux caractères
® proportionnée · légitime défense des personnes. C’est une condition
essentielle mais qui pose des problèmes d’appréciation. Il doit y avoir une équivalence entre l’acte d’agression et l’acte de défense mais on admet que ce dernier puisse être plus grave que l’acte d’agression. Il s’agit d’une question de fait qui relève de l’appréciation souveraine des juges du fond mais la Cour de cassation peut exercer son contrôle puisque c’est une condition posée par la loi. Si la riposte est considérée comme excessive, la légitime défense ne jouera pas et la personne sera poursuivie pour l’infraction commise. Les juges pourront cependant en tenir compte au niveau de la peine
· légitime défense des biens. L’individu commet un acte de riposte pour défendre un bien. L’acte de défense ne peut pas consister en un homicide volontaire cf. art. 122-5 al. 2 pour constituer une légitime défense. La condition de proportionnalité va soulever une difficulté particulière lorsque la défense du bien se fait par le biais d’un engin automatique car il n’y a alors pas de face-à-face entre l’agresseur et l’agressé, et donc pas de contrôle du degré de la riposte. La jurisprudence n’a pas posé de position de principe, tout dépend des circonstances de fait de chaque espèce, i.e. du type d’engin utilisé et de la manière dont il est utilisé. Pour qu’il y ait légitime défense, il faut que l’engin ait été conçu pour procurer une riposte proportionnée i.e. engin conçu pour blesser et non pas pour tuer et que le propriétaire du bien ait pris toutes les précautions pour que seuls les individus qui ont l’intention de commettre une infraction puisse être victimes du piège ex : installation d’un canon avertisseur, vendu en grande surface, mais chargé de balles contrairement à la notice d’utilisation Þ mort d’un jeune homme qui e faisait que se reposer dans la pièce Þ pas de légitime défense
® volontaire. La légitime défense est inconciliable avec le caractère involontaire de l’infraction poursuivie cf. arrêt de la chambre criminelle « Cousinet » du 16 février 1967. Cette condition fait l’objet d’un certain nombre de critiques. Tout d’abord, elle n’est pas prévue par la loi. Ensuite, cela conduit à ce que des personnes revendiquent le caractère volontaire de leur infraction pour se voir reconnaître la légitime défense. Ce caractère volontaire de la défense ne constitue cependant pas véritablement une nouvelle condition de la légitime défense mais est lié à la condition de proportionnalité. En effet, celle-ci suppose que la victime de l’agression soit en mesure d’adapter sa défense à la gravité du danger, et donc qu’elle puisse contrôler sa riposte pour en mesurer les effets. Or, un tel dosage ne peut pas se faire dans le cadre d’une infraction involontaire puisque par définition ses effets dommageables ne sont pas voulus et risquent donc d’être disproportionnés par rapport à la gravité de l’agression. L’intérêt de cette analyse est qu’on pourrait ainsi retenir la légitime défense même en cas d’infraction involontaire à condition que la proportionnalité soit respectée.
§ 2 Preuve de la légitime défense
A/ art. 122-5
C’est la solution de principe : c’est à la personne qui l’invoque qu’il appartient de prouver qu’il y a une situation de légitime défense. C’est la même condition pour toutes les causes d’impunité.
B/ art. 122-6
Il existe deux cas privilégiés de légitime défense dans lesquels celle-ci est présumée. La personne poursuivie n‘a donc pas à la prouver. Cela joue pour celui qui a repoussé de nuit l’entrée par effraction, violence ou ruse dans un lieu d’habitation, ou qui s’est défendu contre les auteurs de vol ou de pillage commis avec violence. Dans un premier temps XIXe siècle, la jurisprudence considérait que ces présomptions avaient un caractère absolu, i.e. irréfragable donc pas de preuve contraire possible. Cette force absolue a conduit à des abus qui ont entraîné la légitimation de véritables assassinats prémédités ex : mari qui sait que l’amant de sa femme vient lui rendre visite la nuit, qui l’attend et le tue. Aujourd’hui, cette présomption est désormais simple cf. arrêt de la chambre criminelle du 19 février 1959 donc susceptible de céder devant la preuve contraire.
Cette présomption entraîne un renversement de la charge de la preuve : c’est au ministère public de démontrer que les conditions de la légitime défense ne sont pas remplies.
Section 3 L’état de nécessité
C’est un fait justificatif avant tout de nature jurisprudentielle. En effet, le CP de 1810 ne l’avait pas consacré, il n’y en avait que quelques applications pour quelques infractions particulières ex : mauvais traitements envers animaux. A partir de ces quelques dispositions particulières, la jurisprudence a généralisé l’état de nécessité.
§ 1 La reconnaissance de l’état de nécessité
A/ état de nécessité et institutions voisines
cf. art. 122-7 « n’est pas pénalement responsable la personne qui, face à un danger actuel ou imminent qui menace elle-même, autrui ou un bien, accomplit un acte nécessaire à la sauvegarde de la personne ou du bien, sauf s’il y a disproportion entre les moyens employés et la menace » L’état de nécessité est constitué dans le cas où la personne se trouve dans la nécessité de commettre une infraction dommageable à autrui lorsqu’un danger la menace elle-même, autrui ou un bien.
- état de nécessité et contrainte. Dans les deux cas, la personne est amenée à commettre une infraction du fait d’une pression qui s’exerce sur sa volonté. Il y a cependant une différence quant à l’intensité de cette pression : dans le cas de la contrainte, il faut que l’abolition de la volonté soit totale, ce qui n’est pas le cas dans l’état de nécessité. Parfois, les deux situations ont pu être confondues dans la jurisprudence ex : une mère vole un pain dans une boulangerie pour nourrir son enfant : relaxe (cf. affaire « Ménard », jugement du tribunal correctionnel de Château-Thierry de 1898). C’est un exemple souvent illustrateur de l’état de nécessité mais le jugement a été rendu sur le fondement de la contrainte (l’état de nécessité n’était pas généralisé à l’époque).
- état de nécessité et légitime défense. Dans les deux cas, il s’agit d’un individu qui, pour échapper à un danger, est amené à commettre une infraction. La différence est que dans la légitime défense l’infraction vient en réponse à une infraction dont la victime n’est pas « innocente », tandis que dans l’état de nécessité la victime de l’infraction est un tiers innocent, totalement étranger à la situation.
B/ l’admission de l’état de nécessité
Pendant longtemps, la jurisprudence a hésité à généraliser l’état de nécessité à partir des quelques applications qui en étaient faites dans le CP de 1810. Lorsque le juge considérait qu’il était en présence d’un état de nécessité mais ne pouvait pas l’utiliser, il était obligé de trouver un autre fondement pour relaxer la personne. C’est en 1956 que la jurisprudence a généralisé l’état de nécessité : l’hiver très froid de 1955-1956 avait entraîné la commission de nombreuses infractions méritant la relaxe cf. jugement du tribunal correctionnel de Colmar du 27 avril 1956 _ cf. arrêt de la chambre criminelle du 28 juin 1958. Le CP de 1992 a consacré cette jurisprudence et a donc fait de l’état de nécessité un fait justificatif général cf. art. 122-7.
§ 2 Les conditions de l’état de nécessité
A/ situation de nécessité
- existence d’un danger. L’auteur de l’infraction nécessaire doit se trouver en présence d’un danger « actuel ou imminent » dont il veut éviter la réalisation. Si c’est par simple commodité qu’un individu commet une infraction, il ne pourra pas invoquer l’état de nécessité. Le danger peut être physique ex : protéger sa vie ou celle d’autrui, moral ou matériel. A partir de là, si le danger n’est pas réel mais simplement éventuel, l’état de nécessité ne pourra pas être retenu ex : faucheurs d’OGM. De la même manière, un danger qui a son origine dans la loi ne peut pas justifier la commission d’une infraction sur le terrain de l’état de nécessité ex : personne faisant obstacle à une IVG.
- absence de faute de l’agent. La jurisprudence exclut l’état de nécessité quand l’auteur de l’infraction a lui-même par sa faute créé le danger dont il est menacé ex : un chauffeur de poids lourd, engagé à un passage à niveau à un moment interdit, a défoncé les barrières pour se dégager : pas d’état de nécessité. Cette condition est généralement critiquée puisqu’on lui reproche notamment d’être une séquelle de la confusion qui a pu exister entre état de nécessité et contrainte absence de faute exigée en cas de contrainte car cause subjective d’impunité, alors que l’état de nécessité est une cause objective d’impunité (tient compte des circonstances de l’infraction et non de l’état d’esprit de l’agent). De plus, cette condition n’est pas prévue par la loi. Quoi qu’il en soit, la jurisprudence continue toujours à l’exiger.
B/ l’infraction nécessaire
C’est l’infraction commise par celui qui a agi sous l’état de nécessité. Elle doit remplir plusieurs conditions dont la proportionnalité entre la gravité de la menace et les moyens employés pour l’éviter, i.e. l’infraction commise. Comme toute proportion, cela donne lieu à des appréciations qui peuvent être délicates. La sauvegarde de l’intégrité physique de soi-même ou d’autrui justifie des atteintes à des intérêts d’une autre nature, notamment matérielle. Inversement, la sauvegarde d’un intérêt matériel ne justifie pas l’atteinte à l’intégrité physique d’une personne. Lorsque les intérêts en présence sont d’égale importance, la doctrine est divisée entre justification pas d’avantage social mais acte socialement neutre ou pas l’état de nécessité ne doit jouer que pour les infractions procurant un avantage social. La jurisprudence fait jouer l’état de nécessité même en cas d’infraction involontaire.
L’état de nécessité, à la différence des autres faits justificatifs, ne fait pas disparaître la responsabilité civile de l’agent.
Section 4 Le consentement de la victime
Il existe des cas où la victime accepte de subir une infraction, voire même incite son auteur à la commettre. Ce consentement de la victime ne constitue pas un fait justificatif mais il va cependant jouer un rôle.
§ 1 Ce n’est pas une cause d’irresponsabilité
La répression pénale est d’ordre public et dépasse donc les simples intérêts personnels de la victime ex : euthanasie.
Il existe des situations qui pourraient faire penser que le consentement de la victime constitue un fait justificatif ex : activités chirurgicales (pas d’atteinte à l’intégrité physique des patients car autorisation de la loi) dans un but curatif ou thérapeutique (but autre = atteinte à l’intégrité physique).
§ 2 Prise en compte du consentement
Dans certains cas, le consentement de la victime va permettre d’échapper à la répression pénale car l’absence de consentement est un élément constitutif de l’infraction, donc s’il y a consentement l’infraction n’est pas constituée. Il existe ainsi un certain nombre d’infractions pour lesquelles l’absence de consentement est un élément constitutif, essentiellement à base de violence ex : vol, viol… Pour ces infractions, e consentement de la victime permettra l’impunité de l’agent si elle présente trois caractères : consentement antérieur à l’infraction pardon juridiquement inefficace, libre pas de violence ni de ruse et valide = émanant d’une personne capable de comprendre la portée de son consentement.
[FIN]
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